Le 20 décembre 2023, Sécurité publique Canada a publié une nouvelle page Web « Travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement canadiennes ». Le site Web fournit des lignes directrices, des ressources et des critères de déclaration de l’information relatifs à la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement (la « Loi ») qui exige que les entités admissibles produisent annuellement un rapport quant à leurs efforts pour atténuer et prévenir le risque de travail forcé et de travail des enfants dans leurs activités commerciales et leurs chaînes d’approvisionnement. La première date limite pour la production du rapport est le 31 mai 2024.

Le contenu du site Web comporte d’importantes précisions sur l’application et l’interprétation de la Loi, ainsi que le questionnaire supplémentaire que les organisations sont tenues de soumettre.

Entités déclarantes – Qui est assujetti à la Loi?

La Loi exige que certaines entités et institutions fédérales soumettent un rapport annuel au plus tard le 31 mai de chaque année.

Une entité désigne une personne morale, fiducie, société de personnes, autre organisation non constituée en personne morale qui :

  • Est inscrite à une bourse de valeurs canadienne; ou
  • Qui a un établissement au Canada, fait des affaires au Canada ou a des actifs au Canada, et satisfait à au moins deux des critères suivants pour au moins un de ses deux derniers exercices financiers :
    • Possède des actifs d’une valeur d’au moins 20 millions de dollars
    • A généré des revenus d’au moins 40 millions de dollars
    • Emploie en moyenne au moins 250 employés

Les nouvelles lignes directrices précisent que la définition du terme « entité » doit être interprétée largement et s’étendre à « des formes semblables d’organisation commerciale », et peut comprendre des entités étrangères qui exercent leurs activités à l’extérieur du Canada.

Les lignes directrices indiquent que l’expression « faire des affaires au Canada » n’est pas définie dans la Loi. Une organisation peut devoir tenir compte de divers facteurs pour effectuer cette détermination. Ces facteurs, qui peuvent varier d’une entreprise à une autre en fonction de la nature particulière de ses activités, peuvent inclure les endroits où :

  • Les marchandises sont produites, vendues ou distribuées
  • Les employés ont leurs bureaux
  • Les actifs, les stocks ou les comptes bancaires sont situés
  • Les livraisons, les paiements, les achats ou les contrats sont faits
  • Les biens sont acquis.

Selon les lignes directrices, les actifs peuvent comprendre tous les biens ou tous les objets de valeur ainsi que les biens incorporels tels que les fonds commerciaux.

Les seuils doivent être calculés sur la base des états financiers consolidés. Les lignes directrices indiquent également que le seuil de l’actif doit être calculé sur une valeur brute (et non sur une base nette). Cela signifie que les calculs comprennent les revenus, les actifs et les employés de toutes les filiales provenant de leurs activités canadiennes et étrangères. Les revenus, les actifs et les employés des sociétés mères sont exclus.

Les organisations qui sont considérées comme une « entité » en vertu de la Loi sont tenues de soumettre un rapport si elles :

  • Produisent, vendent ou distribuent des marchandises au Canada ou ailleurs
  • Importent au Canada des marchandises produites à l’étranger; ou
  • Contrôlent une entité exerçant une activité visée dans les activités susmentionnées.

Ici encore, les lignes directrices indiquent que les termes utilisés dans la Loi visent à s’appliquer largement. Ce critère n’est pas assujetti à un seuil minimum ou à un critère lié aux activités « principales ». Les lignes directrices ont précisé que les services qui appuient « uniquement » la production, la vente, la distribution ou l’importation de marchandises peuvent être exclus, ainsi que les « transactions très mineures », mais elles ne fournissent pas de détails sur ce qui peut être considéré comme « mineur ».

Le sens du terme « contrôle » peut s’aligner sur celui des normes comptables applicables, mais ne s’y limite pas nécessairement si la substance du contrôle s’applique directement ou indirectement par l’intermédiaire de la structure organisationnelle.

Les organisations doivent attentivement passer en revue la Loi et les nouvelles lignes directrices puisque les clarifications peuvent avoir une incidence sur les précédentes déterminations relatives à l’applicabilité.

Assurez-vous que les rapports sont complets

Les nouvelles lignes directrices décrivent également les attentes à l’égard du rapport.

Le rapport doit comprendre une description des risques de travail forcé et de travail des enfants dans les activités commerciales et les chaînes d’approvisionnement de l’entité, et les mesures de diligence raisonnable qui sont prises pour prévenir ou atténuer les risques. Les lignes directrices clarifient également certains termes utilisés dans les nouvelles exigences en matière de divulgation de l’information, notamment les mots « structure », « activités » et « chaînes d’approvisionnement ».

Elles précisent aussi que les entités déclarantes devraient s’efforcer :

  • D’identifier les pays ou régions d’origine de chacun des biens et services utilisés à chaque étape de la chaîne d’approvisionnement
  • De fournir des réponses décrivant les mesures concrètes qui ont été prises pour traiter les risques de travail forcé et de travail des enfants, plutôt que des déclarations purement ambitieuses.

Toutefois, les entités déclarantes ne sont pas tenues de :

  • Divulguer des renseignements commerciaux de nature potentiellement délicate qui pourraient les exposer à un risque juridique ou compromettre la vie privée des personnes
  • Rendre compte de cas particuliers ou d’allégations de travail forcé ou de travail des enfants.

Les lignes directrices ajoutent que les entités déclarantes peuvent fournir d’autres informations, mais n’y sont pas tenues, y compris les liens vers les politiques, le code de conduite, les rapports d’évaluation des risques, les résultats d’une vérification, les autres communications publiques pertinentes ou les engagements en matière d’enjeux ESG.

Nouveau questionnaire pour les entités déclarantes

D’après les lignes directrices, une composante nouvellement émise relativement au processus de déclaration exige que les entités déclarantes remplissent un questionnaire obligatoire en plus de déposer un rapport en vertu de la Loi au plus tard le 31 mai 2024.  

Le questionnaire est propre au Canada. Les autres juridictions qui disposent d’une législation sur la déclaration de l’information relative à la chaîne d’approvisionnement, y compris le Royaume‑Uni ou l’Australie, n’exigent pas que les entités déclarantes remplissent un questionnaire en plus de soumettre leurs rapports.

Bien que le questionnaire s’aligne en grande partie sur les exigences de déclaration de l’information figurant dans la Loi, les commentaires des services d’approvisionnement, des services juridiques et des services de conformité seront probablement requis pour remplir le questionnaire. Les réponses à chaque question doivent s’harmoniser avec le rapport.

Le questionnaire est composé d’une série de questions fermées obligatoires qui décrivent, entre autres détails :

  • la façon dont l’organisation satisfait à la définition d’une « entité » et aux activités de déclaration de l’information;
  • les secteurs ou les industries dans lesquels l’entité déclarante exerce ses activités;
  • les mesures prises au cours du dernier exercice pour prévenir et réduire le risque de travail forcé et de travail des enfants (le nombre de réponses disponibles allant de la « cartographie des chaînes d’approvisionnement » à la « conclusion d’un contrat d’évaluation externe des risques de travail forcé et/ou de travail des enfants », en passant par la « réalisation d’un exercice de priorisation visant à concentrer les efforts de diligence raisonnable sur les risques les plus graves de travail forcé et de travail des enfants »);
  • la question de savoir si l’entité déclarante a identifié les parties de ses activités et de la chaîne d’approvisionnement qui comportent un risque de travail forcé ou de travail des enfants;
  • les types de risques de travail forcé ou de travail des enfants qui ont été identifiés;
  • les secteurs et industries qui ont été identifiés comme présentant des risques de travail forcé ou de travail des enfants;
  • l’ensemble des mesures de remédiation prises;
  • la formation sur le travail forcé et/ou le travail des enfants, y compris si la formation est obligatoire et les personnes visées;
  • les méthodes utilisées pour évaluer que l’entité s’assure efficacement qu’elle n’a pas recours au travail forcé et au travail des enfants au sein de ses activités et de ses chaînes d’approvisionnement, notamment les vérifications, les indicateurs de performance, la collaboration avec une organisation externe ou avec les fournisseurs.

À chaque question, les entités déclarantes ont la possibilité de répondre « autre » et de fournir une explication. Le questionnaire comprend également des questions ouvertes afin que les entités déclarantes puissent fournir des réponses plus détaillées.

Conclusion

Les sociétés assujetties à la Loi sont exposées à des risques juridiques, opérationnels et réputationnels sérieux associés aux informations recueillies, évaluées et fournies en vertu des nouvelles règles de déclaration de l’information.

Les lignes directrices – et plus particulièrement le questionnaire – indiquent que les sociétés canadiennes sont censées prendre des mesures actives pour évaluer et prévenir le risque de travail forcé ou de travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement, et y remédier. Elles reconnaissent que :

« Aucun secteur ou industrie où il est question de la production, de la vente, de la distribution ou de l’importation de marchandises ne sont considérés comme totalement exempts de risques de travail forcé et de travail des enfants. Le but du rapport n’est pas de certifier qu’une organisation est « sans risque », mais plutôt de démontrer que l’organisation a pris des mesures pour déterminer et traiter ce genre de risques. L’exercice d’établissement de rapports vise à encourager la transparence et non à pénaliser les organisations qui ont déterminé les risques dans leurs activités et leurs chaînes d’approvisionnement ».

Quoi qu’il en soit, les entreprises doivent garder à l’esprit que l’importation de marchandises fabriquées en ayant recours au travail forcé ou au travail des enfants n’importe où dans la chaîne d’approvisionnement constitue une infraction en vertu de la Loi sur les douanes. La Loi élargit aussi l’interdiction d’importation prévue à la Loi sur les tarifs des douanes pour y inclure le travail des enfants et modifie les Tarifs des douanes pour y indiquer « Articles extraits, fabriqués ou produits, en tout ou en partie, par recours au travail forcé ou au travail des enfants au sens de l’article 2 de la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement », renforçant ainsi l’application la Loi.

Il ne reste que quelques mois avant l’échéance pour que les entités déclarantes soumettent les rapports et les questionnaires. Si vous avez des questions au sujet de la Loi, des nouvelles lignes directrices et de la façon de s’y conformer, veuillez communiquer avec votre conseiller chez KPMG ou avec l’un des professionnels suivants.

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