La Colombie-Britannique a adopté la Pay Transparency Act en mai 2023. En conséquence, les employeurs de la province n’ont plus le droit, depuis le 11 mai 2023, de demander aux candidat·e·s à un emploi de leur fournir leurs antécédents salariaux ni d’infliger des sanctions ou des représailles à l’encontre des effectifs qui posent des questions sur leur rémunération ou qui révèlent celle-ci à des collègues ou à des candidates.

À partir du 1er novembre 2023, les employeurs de la province sont également tenus d’indiquer l’échelle salariale dans les affichages de postes, de produire des rapports faisant état de toute discrimination systémique relative au salaire et de divulguer des données sur la rémunération aux effectifs et aux candidats qui en font la demande.

Qu’est-ce que la transparence de la rémunération?

La transparence de la rémunération consiste à communiquer ouvertement au personnel et aux interlocuteurs externes des renseignements sur la rémunération des effectifs. Cette pratique se traduit généralement par la communication de renseignements clairs et accessibles sur les échelles salariales ainsi que sur des formes de rémunération variable comme les primes de rendement et les avantages sociaux.

Elle représente un tournant dans les normes en vigueur en milieu de travail. En effet, rares sont les entreprises qui font preuve de transparence au sujet de la rémunération, cette information étant hautement confidentielle et jalousement gardée.

La loi sur la transparence de la rémunération vise à permettre aux membres du personnel, aux candidat·e·s et aux autres parties prenantes d’obtenir l’information dont ils ont besoin pour établir si une inégalité résulte de différences donnant droit à rémunération (comme l’expérience, les compétences ou les responsabilités) ou d’une discrimination systémique fondée sur le sexe, le handicap, l’origine ethnique ou tout autre motif interdit.

Les effectifs qui travaillent en Colombie-Britannique disposent déjà de mécanismes de protection juridiques contre la discrimination. Or, à présent que les employeurs sont tenus de divulguer leurs pratiques de rémunération, le personnel et les candidat·e·s à un emploi ont accès à davantage d’informations ouvrant droit à une plainte en vertu de la loi britanno-colombienne intitulée Human Rights Code.

Vue d’ensemble de la nouvelle loi

La loi de la Colombie-Britannique intitulée Pay Transparency Act :

  • Oblige les employeurs à inclure l’échelle salariale dans les affichages de poste à l’externe
  • Interdit aux employeurs de demander à une personne combien elle gagnait dans ses emplois précédents, à moins que cette information soit publique
  • Interdit aux employeurs d’infliger des sanctions ou des représailles à l’encontre des personnes qui discutent de leur rémunération avec leurs collègues

À terme, les entreprises de la province qui emploient 50 personnes ou plus seront également tenues de préparer et de publier des rapports sur la transparence de la rémunération. Cette obligation entrera en vigueur par phases au cours des trois prochaines années :

  • 1er novembre 2023 : gouvernement de la Colombie-Britannique et six grandes sociétés d’État, à savoir BC Hydro, BC Housing, BC Lottery Corp., BC Transit, ICBC et WorkSafeBC
  • 1er novembre 2024 : toutes les entreprises employant 1 000 personnes ou plus
  • 1er novembre 2025 : toutes les entreprises employant 300 personnes ou plus
  • 1er novembre 2026 : toutes les entreprises employant 50 personnes ou plus

Le gouvernement de la Colombie-Britannique a récemment publié des exigences à respecter pour produire les rapports sur la transparence de la rémunération, et un outil web est en cours d’élaboration pour aider les employeurs à cet égard.

Les rapports sur la transparence de la rémunération doivent comprendre les renseignements suivants :

  • Le nom de l’organisation
  • L’adresse postale
  • Le code du Système de classification des industries de l’Amérique du Nord (SCIAN) 2022
  • Les dates de début et de fin de la période couverte par le rapport
  • Le nombre d’employés au 1er janvier, selon les fourchettes suivantes :
    • de 50 à 299 employés
    • de 300 à 999 employés
    • 1 000 employés ou plus
  • La catégorie de genre utilisée pour la comparaison (p. ex., comparaison entre les hommes et les femmes ou les personnes non binaires)
  • Les résultats des calculs des écarts de rémunération

Les données suivantes doivent être incluses dans les calculs :

  • Le salaire (rémunération ordinaire, sans inclure les primes et les heures supplémentaires) reçu au cours de la période de déclaration
  • Le nombre d’heures travaillées utilisé pour calculer le salaire
  • Les primes reçues au cours de la période couverte par le rapport (l’exercice financier de l’organisation ou l’année civile précédente)
  • La rémunération des heures supplémentaires reçue au cours de la période
  • Le nombre d’heures supplémentaires travaillées qui peuvent être attribuées à la rémunération des heures supplémentaires
  • Le gouvernement a publié un rapport modèle, ainsi que des liens vers le site des employeurs assujettis pour 2023

Des limites sont établies pour les rapports lorsqu’une catégorie de genre compte moins de dix personnes étant donné les enjeux de confidentialité que peut soulever la collecte de données au sein d’entreprises de petite taille.

À ce stade, rien n’indique toutefois que le gouvernement exigera des déclarations ou des divulgations détaillées, contrairement à la directive européenne sur la transparence des rémunérations adoptée le 30 mars 2023. En vertu de la directive européenne, les employeurs sont tenus d’évaluer l’écart de rémunération et d’établir un plan d’action pour le combler. En cas d’écart salarial entre les genres de 5 % ou plus ne pouvant être justifié par des facteurs non discriminatoires, une évaluation conjointe doit être réalisée avec les représentants du personnel pour remédier à toute disparité injustifiée.

Par ailleurs, les salariés ont le droit de demander des informations sur leur niveau de salaire individuel et sur le niveau de salaire moyen, ventilé par genre, pour des catégories de personnel effectuant le même travail ou un travail de valeur égale. Quant aux entreprises, elles doivent rendre facilement accessible l’information relative aux critères objectifs et non sexistes qui sont retenus pour déterminer la rémunération et l’avancement professionnel.

Le gouvernement de la Colombie-Britannique a aussi fait savoir qu’il pourrait exiger des rapports sur les identités croisées, telles que les femmes autochtones et les femmes racisées. Cette exigence ne fait pas encore partie de la loi ou des règlements.

Conséquences d’une violation de la Pay Transparency Act

La Pay Transparency Act repose sur un modèle avec « option de participation » qui encourage la conformité sans l’imposer. En d’autres termes, la loi n’habilite pas le gouvernement à appliquer ses dispositions ou à infliger des amendes ou des pénalités en cas d’infraction.

Cette approche pourrait toutefois être appelée à changer, l’absence de mesures exécutoires ayant été critiquée par plusieurs défenseurs des droits de la personne, dont la commissaire aux droits de la personne de la Colombie-Britannique. Par ailleurs, le gouvernement a indiqué qu’il envisageait de recourir à des mécanismes d’application comme la publication d’une liste d’employeurs contrevenants et des restrictions à l’obtention de subventions gouvernementales ou de contrats publics.

Revoir les attentes

Pour de multiples raisons, la transparence salariale pourrait avoir d’importantes répercussions sur le monde du travail :

  • Pour bien des entreprises, compiler et communiquer les échelles salariales est compliquée. La collecte, l’évaluation et le suivi des données de rémunération selon le sexe (et éventuellement selon l’origine ethnique et le handicap) exigent une somme de travail importante
  • Pour soupeser les risques liés aux droits de la personne ou à la réputation, les entreprises devront vérifier si les écarts de rémunération reposent sur des différences légitimes et méritées, et non sur des préjugés ou des pratiques discriminatoires. Elles devront également expliquer les raisons de ces écarts. À défaut, elles risquent d’entacher leur réputation en présence d’écarts de rémunération importants
  • Cette obligation de transparence risque d’entraîner une baisse de la productivité et du taux de rétention si des effectifs hautement performants estiment que cela les empêche d’être reconnus à leur juste valeur, de gagner plus et de gravir les échelons
  • Des systèmes efficaces de gestion du rendement seront indispensables pour expliquer les écarts de rémunération. Les indicateurs de performance clés retenus pour évaluer le rendement pourront également servir à justifier des écarts légitimes et mérités
  • En présence d’écarts de rémunération fondés sur le sexe, l’origine ethnique, le handicap ou d’autres motifs de discrimination interdits, l’employeur devra mettre en place une stratégie claire pour favoriser l’inclusion, l’équité et l’accessibilité au travail

Implications pour les droits de la personne

Comme nous l’avons vu précédemment, la transparence des rémunérations n’est pas sans incidence au regard des lois sur les droits de la personne. En effet, elle permet aux effectifs et aux candidat·e·s à un emploi d’obtenir de l’information leur permettant d’établir l’existence d’inégalités salariales sur les lieux de travail.

Or, l’article 12 de la loi de la Colombie-Britannique intitulée Human Rights Code interdit toute discrimination salariale fondée sur le sexe. Aux termes de cet article :

  • Il est défendu d’introduire une discrimination entre membres de l’effectif en employant une personne d’un sexe à un taux de rémunération inférieur à celui d’une personne de l’autre sexe qui effectue un travail similaire ou sensiblement similaire au sein de la même entreprise
  • Les compétences, la charge de travail et les responsabilités doivent être prises en compte pour déterminer ce qu’est un travail similaire ou sensiblement similaire
  • Il n’y a pas discrimination si l’écart entre les taux de rémunération est raisonnablement justifié

Des plaintes pour discrimination fondée sur des motifs autres que le sexe peuvent également être déposées en vertu de l’article 13 de la loi, qui interdit toute discrimination relative aux conditions d’emploi (dont la rémunération) fondée sur un motif comme l’identité autochtone, l’origine ethnique, le handicap, le sexe, l’orientation sexuelle ainsi que l’identité et l’expression de genre.

Un écart de rémunération n’est pas nécessairement synonyme de violation de la loi. Par contre, si une salariée démontre qu’elle gagne un salaire inférieur à celui d’un collègue masculin pour un travail similaire ou sensiblement similaire, il y a apparence de grief justifié pour cause de discrimination. C’est à l’employeur qu’il incombe alors de démontrer que l’écart de rémunération est fondé sur des motifs raisonnables autres que le sexe.

Répercussions de la transparence de la rémunération sur le monde du travail

Si l’objectif de la Pay Transparency Act est de réduire les inégalités de rémunération fondées sur le sexe, l’origine ethnique, l’orientation sexuelle et d’autres motifs interdits, elle risque toutefois d’entraîner un certain nombre d’effets pervers, dont les suivants :

  • Comme les employeurs ne négocieront plus la rémunération ou l’échelle salariale des effectifs potentiels ou actuels, le pouvoir de négociation de ces derniers s’en trouvera réduit
  • Si les salariés ne comprennent pas la raison des écarts salariaux ou croient que leur bon rendement est garant d’une rémunération supérieure à celle de leurs homologues, leur productivité décline
  • Par contre, la transparence des rémunérations peut motiver certaines personnes à redoubler d’efforts en vue d’une promotion. Le fait de connaître le salaire des gestionnaires peut les rendre plus optimistes quant à la rémunération susceptible de leur être versée un jour
  • La gestion du rendement devient un processus plus complexe, car le rendement est l’un des principaux facteurs qui justifient les disparités salariales. Or, le rendement individuel est difficile à observer, entre autres parce qu’il repose sur le travail de la personne, mais aussi sur celui de nombreuses autres
  • Les augmentations de salaire sont fondées sur des facteurs aisément vérifiables, comme l’ancienneté ou le niveau hiérarchique. Par contre, il est plus difficile de faire preuve de transparence dans les milieux où les décisions liées à la rémunération sont hautement subjectives et où la structure organisationnelle est plus ou moins horizontale
  • L’externalisation peut devenir un phénomène plus courant si les effectifs dotés de compétences essentielles exigent une rémunération qui diffère de celle du reste de l’organisation
  • Les syndicats auront accès à des informations publiques sur les échelles salariales des emplois non syndiqués, ce qui risque de créer des difficultés (ou des ouvertures) lors des négociations de conventions collectives
  • Les organisations seront plus conscientes de l’incidence, sur les écarts salariaux entre les genres, des négociations liées au recrutement, aux promotions et à la rémunération. Les gestionnaires pourraient avoir besoin de formation pour revoir leur façon de négocier les augmentations de salaire et les promotions
  • Une fois les informations sur la rémunération rendues publiques en Colombie-Britannique, les entreprises canadiennes qui emploient des personnes dans plusieurs provinces devront réfléchir à leur stratégie de transparence. Ces entreprises pourraient envisager une approche par phases ou encore communiquer systématiquement les échelles salariales même si ce n’est pas obligatoire en dehors de la Colombie-Britannique.

Ce que les entreprises peuvent faire pour se préparer

Pour se conformer à la nouvelle loi, les entreprises seront tenues de recueillir des données sur les échelles salariales de tous les membres de leur personnel qui travaillent en Colombie-Britannique, y compris les taux horaires, la rémunération des heures supplémentaires, le nombre d’heures supplémentaires et les primes.

Avant que les obligations de déclaration n’entrent en vigueur, les entreprises gagnent à s’assurer d’avoir en main toutes les informations prescrites par la loi (une fois celles-ci mises au clair par le gouvernement) et que ces informations sont exactes. Si elles ont besoin de recueillir d’autres renseignements personnels auprès des effectifs (p. ex., origine ethnique, état de personne avec handicap ou état de personne autochtone), elles doivent veiller à les obtenir, à les utiliser et à les divulguer conformément aux lois de la Colombie-Britannique sur la protection des renseignements personnels.

De plus, pour gérer en amont les risques liés aux écarts de rémunération, les entreprises doivent examiner et évaluer leurs données en se posant les questions suivantes :

  • Existe-t-il des écarts de rémunération entre des collègues ayant des compétences, une charge de travail et des responsabilités semblables?
  • Ces écarts sont-ils justifiables? Par exemple, existe-t-il pour chaque poste un facteur d’évaluation des emplois qui justifie les disparités salariales? Celles-ci reposent-elles sur l’ancienneté, la région, le mérite, les compétences spécialisées ou d’autres facteurs de différenciation valables?
  • Si les écarts de rémunération sont fondés sur des motifs discriminatoires, quel est le plan d’action pour y remédier?
  • Existe-t-il des écarts entre des postes syndiqués et des postes non syndiqués qui risquent de soulever des questions lors des négociations?
  • Existe-t-il un plan de communication pour répondre aux questions des effectifs au sujet de leur rémunération?
  • Existe-t-il un plan d’optimisation des processus RH visant à réduire les écarts de rémunération grâce entre autres à des pratiques de recrutement plus inclusives, à une meilleure accessibilité des installations ou à des procédures plus efficaces en matière de rémunération, de gestion du rendement et de promotion?
  • Comment l’entreprise prévoit-elle de surveiller les écarts de rémunération à l’avenir?

Information à jour au 1er novembre 2023. L’information publiée dans le présent document est de nature générale. Elle ne vise pas à tenir compte des circonstances de quelque personne ou entité particulière. Bien que nous fassions tous les efforts nécessaires pour assurer l’exactitude de cette information et pour vous la communiquer rapidement, rien ne garantit qu’elle sera exacte à la date à laquelle vous la recevrez ni qu’elle continuera d’être exacte dans l’avenir. Vous ne devez pas y donner suite à moins d’avoir d’abord obtenu un avis professionnel se fondant sur un examen approfondi des faits et de leur contexte.

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