En août 2021, dans l’affaire Navartnarajah c. FSB Group, 2021 ONSC 5418, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a certifié l’action collective qui y était proposée afin que les producteurs d’assurance soient considérés comme des salariés plutôt que comme des contractuels indépendants. La Cour a toutefois pris la décision (en anglais) de révoquer cette certification à la demande de la partie défenderesse après que les membres du groupe visés par l’action collective s’en soient presque tous retirés à l’issue de la période d’exclusion.1

Contexte

Les allégations du demandeur dans cette affaire reposaient sur l’idée que la société de courtage d’assurance défenderesse, le FSB Group, classait indûment ses producteurs d’assurance comme contractuels indépendants. Il faisait valoir plus précisément que les producteurs devaient être traités comme des salariés et, de ce fait, bénéficier des droits minimaux prévus par la Loi de 2000 sur les normes d’emploi de l’Ontario.

À la suite de la certification de l’action collective en août 2021, et conformément aux exigences de la Loi de 1992 sur les recours collectifs, tous les membres du groupe visés par l’action collective ont reçu un avis de la procédure et se sont vu offrir la possibilité de s’en exclure s’ils ne souhaitaient pas y participer. Au terme de la période d’exclusion, 66 des 69 membres proposés avaient choisi de se retirer. Parmi les trois personnes restantes, une était introuvable, une autre était décédée et la dernière était le représentant du demandeur.

Devant ces désistements massifs, la partie défenderesse a décidé de demander l’annulation de la certification au motif que l’action collective ne constituait plus la procédure de choix pour régler les questions litigieuses en suspens.

La décision relative à l’annulation de la certification

Aux fins de sa décision, le tribunal a pris en compte les trois principaux objectifs que les actions collectives sont censées remplir :

  1. l’accès à la justice
  2. l’économie de frais judiciaires
  3. la modification des comportements

Il a finalement conclu qu’aucun de ces trois objectifs ne serait compromis si l’action collective était annulée, puisque les autres membres du groupe avaient la possibilité de présenter des demandes individuelles devant la Cour des petites créances et qu’il y avait peu d’avantages économiques à recourir au régime de l’action collective alors que la vaste majorité du groupe avait décidé de se retirer. Ce faisant, la Cour n’a pas hésité à critiquer les motivations ayant poussé le demandeur à maintenir l’action collective malgré un désistement quasi complet :

[traduction]

Eu égard au désistement massif, le maintien de la certification permettrait au représentant du demandeur de monopoliser les ressources judiciaires au nom de la vaste majorité du groupe visé par la prétendue action collective. Toute décision concernant l’emploi rendue pour l’ensemble du groupe, même si celui-ci est quasi inexistant, aurait des répercussions de nature fiscale et patrimoniale pour tous les producteurs, en dépit du fait qu’aucun d’entre eux, mis à part le demandeur, ne souhaite qu’une décision soit rendue.

Sur les 69 producteurs contractuels indépendants qui ont été identifiés, seul le demandeur souhaite voir son statut modifié; et pourtant, ses avocats et lui se sont battus bec et ongles pour parvenir à leurs fins, même après qu’il soit devenu évident que l’ensemble du groupe ne voulait pas être mêlé à cette action. On peut se demander pourquoi.

La décision relative aux dépens

Après avoir rendu son ordonnance d’annulation de la certification, la Cour a attribué à la partie défenderesse des dommages-intérêts de 100 000 $. Dans sa décision (en anglais), elle a tenu compte de la conduite adoptée par le demandeur au cours de la motion, déplorant qu’il ait cherché à la faire adopter avec « un zèle inutile ».2

Il convient de noter que le demandeur a interjeté appel de la décision relative aux dépens et que la procédure d’autorisation d’appel est en cours. Le groupe Droit de l’emploi et du travail de KPMG fera régulièrement le point sur l’évolution de cette affaire.

Ce qu’il faut retenir

En tant qu’une des premières décisions d’annulation de la certification dans une affaire d’erreur de classement des salariés en Ontario, cette décision est un rappel des valeurs qui sous-tendent le régime de l’action collective et des mécanismes qui s’offrent aux parties quand ces valeurs ne sont plus respectées.

Dans le contexte de la recrudescence des litiges liés à un classement erroné des salariés, les employeurs doivent garder certains facteurs à l’esprit quand ils choisissent de faire affaire avec des travailleurs en tant que contractuels indépendants plutôt qu’en tant que salariés.

Richelle Pollard et Kaley Dodds, du groupe Droit de l’emploi et du travail de KPMG, ont agi en qualité d’avocates de la défense dans cette affaire. Richelle et Kaley sont à votre disposition si vous souhaitez discuter de ce dossier ou de toute autre question liée au droit de l’emploi et du travail.


1 Navartnarajah v FSB Group Ltd., 2023 ONSC 2574 (CanLII)
2 Navartnarajah v FSB Group Ltd., 2023 ONSC 4024 (CanLII)

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