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Le cheminement juridique pour déterminer exactement le champ d’application du Règlement Taxonomie du 18 juin 2021 s’apparente à un jeu de piste car il faut allier de nombreux textes, textes européens et textes nationaux les transposant, parfois avec des différences, textes modifiant partiellement des textes antérieurs, textes renvoyant à d’autres textes, textes imbriqués, textes rayonnant sur d’autres...

Entrée en vigueur ne vaut pas entrée en application...

Une entrée en vigueur

Le Règlement est théoriquement entré en vigueur le 7 juillet 2021, mais il a fallu attendre le premier règlement délégué, du 6 juillet 2021, entré lui-même en vigueur le 30 décembre 2021, pour que ce soit effectif au 1er janvier 2022. Mais seulement partiellement car il n'est applicable depuis le 1er janvier 2022 que pour les deux premiers (atténuation du changement climatique, adaptation au changement climatique) et ne le sera qu'à compter du 1er janvier 2023 pour les autres (utilisation durable et protection des ressources aquatiques et marines, transition vers une économie circulaire, prévention et réduction de la prévention, protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes).

À quelles entreprises s’applique-t-il ? C’est là qu’apparait un vrai jeu de pistes légales.

Il vise, dans une formule elliptique, les « entreprises qui sont soumises à l’obligation de publier une déclaration non financière ou une déclaration non financière consolidée, conformément à l’article 19 bis ou à l’article 29 bis de la Directive 2013/34/UE du Parlement Européen et du Conseil respectivement ». Il faut donc conjuguer deux séries de conditions pour connaître son champ d’application.

Il faut d’abord prendre en compte les critères qui déterminent les entreprises soumises à l’obligation de publier une DPEF ou une DPEF consolidée. Ils sont prévus par une Directive du 26 juin 2013, plusieurs fois modifiée. Mais, s’agissant d’une directive, il faut aller regarder sa transposition dans le droit national. En France, les entreprises concernées sont, d’une part, les sociétés cotées sur un marché réglementé qui dépassent deux des seuils de 20M € de bilan ou 40M € de chiffre d’affaires et 500 salariés ; d’autre part, les sociétés non cotées qui dépassent deux des seuils de 100M € de bilan ou 100M € de chiffre d’affaires et 500 salariés.

Mais il faut tenir compte des types de sociétés concernées. Alors que la Directive précitée vise, pour la France, les SA, SCA, SARL et SAS, le Code de commerce se limite aux SA et SCA (et donc aux SE immatriculées sur notre territoire). Il faut leur ajouter les SNC et SCS lorsque toutes les parts sont détenues par des SA, SCA, mais aussi, très curieusement, par des SARL et SAS alors que ces dernières n’y sont pas soumises...

Il faut ensuite combiner ces différents critères avec ceux de la Directive déjà citée, qui ont été introduits en son sein par une Directive du 22 octobre 2014, dite NFRD. Ces textes réduisent fortement le champ des entreprises effectivement soumises à la taxonomie car ils ne s’appliquent qu’aux « entités d’intérêt public » (EIP) dépassant 500 salariés, qu’il s’agisse des EIP prises individuellement ou des EIP mères de groupes dépassant ce seuil. Alors, que sont ces EIP ? Elles sont désignées par la Directive du 26 juin 2013 : d’un côté, les entreprises cotées sur un marché réglementé et, de l’autre, les établissements de crédit et les entreprises d’assurances. Mais la directive permet aux Etats membres d’en élargir le domaine et le droit français en a profité pour y ajouter quelques catégories d’entreprises qui relèvent toutes exclusivement des secteurs de la banque, de la finance, de l’assurance et de la prévoyance ou la retraite.

Par conséquent, au résultat de ces combinaisons, le Règlement Taxonomie ne s’applique qu’aux entreprises cotées sur un marché réglementé dépassant les seuils de 20 M € de bilan ou 40 M € de CA et 500 salariés et qu’aux entreprises non cotées qui relèvent des secteurs de la banque, de la finance, de l’assurance et de la prévoyance ou la retraite dépassant les seuils de 100 M € de bilan ou 100 M € de CA et 500 salariés.

Et à l’avenir ?

Dès 2024 semble-t-il, les obligations relatives à la DPEF s’imposeront à un plus grand nombre d’entreprises. En effet, un projet avancé de Directive dite « CSRD » remplacera la Directive « NFRD » du 22 octobre 2014 et s’appliquera, d’une part, aux sociétés cotées sur un marché réglementé dépassant deux des seuils de 350.000 € de bilan ou 700.000 € de chiffre d’affaires et 10 salariés et non plus 20 M € ou 40 M € et 500, ce qui élèvera notablement le nombre de celles concernées ; d’autre part, aux entreprises non cotées dépassant deux des seuils de 20 M € de bilan ou 40 M € de chiffre d’affaires et 250 salariés et non plus 100 ou 100 et 500, ce qui élèvera notablement le nombre de celles concernées.

Les entreprises concernées par la DPEF - qui ne sera plus une « déclaration non financière » comme elle est nommée actuellement dans les textes européens, mais une « information en matière de durabilité » - seront donc beaucoup plus nombreuses. A l’échelle européenne, la Commission estime que leur nombre passera de 11.000 à 50.000, et en France pourrait devenir supérieur à 10.000. Pour autant, le projet de directive ne prévoit pas, à ce stade, de modification du champ de la taxonomie, qui restera réservée aux EIP de plus de 500 salariés.

Obligations relatives à la DPEF