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La réintégration d’une quote-part de frais et charges de 12 % du montant brut des plus-values de cession de titres de participation doit être regardée comme une imposition à taux réduit. L’impôt éventuellement acquitté à l’étranger peut s’imputer en France sur cette imposition, et dans la limite de celle-ci. Les commentaires administratifs contraires sont annulés.

Conseil d'Etat, 15 novembre 2021, n°454105, SA L'Air Liquide

Les plus-values de cession de titres de participation détenus depuis au moins deux ans ouvrent droit au régime des plus ou moins-values à long terme (CGI, art. 219, I, a quinquies). La plus-value nette à long terme réalisée est exonérée, sous réserve de la réintégration, dans le résultat au taux de droit commun, d’une quote-part de frais et charges de 12 % calculée sur le montant brut desdites plus-values de cession.

Les conventions fiscales signées par la France attribuent, le plus souvent, l’imposition exclusive de ces plus-values de cession de titres dans l’Etat de résidence du cédant. Néanmoins, en présence de participations substantielles, certaines conventions autorisent également une imposition dans l’Etat de résidence de la société dont les titres sont cédés. Pour éviter une double imposition, elles prévoient l’imputation de l'impôt prélevé à l'étranger sur l'impôt sur les sociétés acquitté en France (en tant qu’Etat de résidence du cédant) au titre de la même opération, dans la limite du montant de l'impôt français correspondant à ces revenus.

Saisi d’un recours pour excès de pouvoir, le Conseil d’Etat vient d’annuler les commentaires administratifs selon lesquels « en l'absence d'imposition effective de la plus-value [à long terme] réalisée, aucune imputation de l'impôt étranger éventuellement acquitté au titre de la plus-value réalisée ne peut être effectuée dès lors qu'aucune double imposition ne peut être constatée. A cet égard, la réintégration d'une quote-part de frais et charges est sans incidence puisqu'elle correspond à un mode forfaitaire de neutralisation des charges liées aux titres dont la plus-value est exonérée ». Ces commentaires prévoient également que le montant de l'impôt étranger constitue néanmoins l'un des frais inhérents à la cession, dès lors pris en compte pour le calcul de la plus-value nette taxable à 0 % et extourné du résultat imposable (BOI-IS-BASE-20-20-10-20, n° 170). 

À noter, les commentaires énoncés au n° 180, qui donnent une illustration chiffrée de cette règle, sont également annulés.

Le Conseil d’Etat juge que la réintégration d’une quote-part de frais et charges prévue par les dispositions de l’article 219, I, a quinquies doit être regardée comme visant à soumettre les plus-values sur titres de participation à un taux réduit d’impôt sur les sociétés, et non pas comme ayant pour objet de neutraliser de manière forfaitaire la déduction de frais exposés pour l'acquisition ou la conservation d'un revenu afférent à une opération exonérée.

Aussi, les commentaires précités, qui interdisent l’imputation de l’impôt étranger en l’absence d’imposition effective, en France, de la plus-value réalisée, doivent être annulés.

Par conséquent, dès lors qu'une double imposition peut ainsi être constatée, une imputation de l'impôt étranger éventuellement acquitté au titre de la plus-value réalisée peut être effectuée sur l’impôt français (ie. imputation sur l’impôt applicable sur la quote-part de frais et charges taxable de 12 %, plutôt que de minorer l’assiette sur laquelle est calculée la quote-part de frais et charges), dans la limite de l’imposition à taux réduit de la quote-part.

Cette décision ouvre des possibilités de réclamation pour les entreprises n’ayant pu imputer en France le montant de l’impôt payé à l’étranger à l’occasion de cession de titres de sociétés étrangères. Les sociétés concernées doivent examiner leurs droits, sous réserve des règles de prescription applicables (tout particulièrement pour ceux expirant le 31 décembre 2021). Sont particulièrement concernées les opérations de cession de titres de sociétés établies dans un pays ayant conclu avec la France une clause de participation substantielle tels l’Autriche, l’Espagne, le Japon ou encore la Suède.