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LE PRINCIPE

Les statuts sont à la société ce que la Constitution est à l’Etat. Les clauses, nécessairement conformes au code de commerce, ne sauraient être méconnues sauf à ce qu'elles soient remises en cause par une loi nouvelle marquée par l’ordre public. Dès lors, les divers accords signés au sein de la société ne sauraient apporter de dérogation à ces principes statutaires. Un arrêt récent de la Cour de cassation1 vient enrichir une jurisprudence assez peu nombreuse2.

LA TENTATION DE MÉCONNAITRE LE PRINCIPE

Derrière la force évidente du principe, des réalités peuvent ébranler quelque peu la hiérarchie établie. Ainsi, dans des sociétés de peu d’associés, on peut imaginer que les associés auront la tentation de libérer l’un d’entre eux d’une obligation particulière par un accord unanime plus simple à gérer qu’une modification statutaire, et ce d’autant qu’il ne s’agira que d’une exception à un principe que l’on entend par ailleurs maintenir. Ainsi, d’une obligation de non-concurrence, à l’heure ou un associé entend quitter la société. La chambre commerciale de la Cour de cassation a accepté cette pratique dans des SARL3.

Une autre réalité est celle de la SASU. Peut-on concevoir que l’associé unique déroge, dans un acte unilatéral, aux statuts de la société ? Le chemin normal pour lui ne serait-il pas de modifier lesdits statuts s’il les juges contraires à sa volonté actuelle ? L’intéressé qui n’a rien à demander à personne qu’à lui-même est maître de la conciliation ou de la contradiction entre les règles…

En l’espèce, la contradiction était flagrante. S’agissant de la révocation du directeur général, les statuts prévoyaient que « le directeur général peut être révoqué à tout moment et sans qu’aucun motif soit nécessaire, par décision de la collectivité des associés ou de l’associé unique », et ils prévoyaient également que « la cessation, pour quelque cause que ce soit et quelle qu’en soit la forme, des fonctions de directeur général, ne donnera droit au directeur révoqué à aucune indemnité de quelque nature que ce soit ».

Lorsque fut nommé un DG cependant, et sans doute au terme d’âpres négociations, par une décision extra-statutaire obligeant la société, la personne morale associée unique décida de faire preuve d’une beaucoup plus grande générosité. Elle avait adressé  à la personne devant être nommée un courrier indiquant : « En cas de révocation de vos fonctions de directeur général de la société sans juste motif, vous bénéficierez d’une indemnité forfaitaire égale à six mois de votre rémunération brute fixe ».

A l’heure de la révocation, le directeur général devait finalement ne rien recevoir, la société s’abritant derrière la supériorité de la règle statutaire excluant toute indemnisation.

CONFIRMATION DE LA SUPÉRIORITÉ DE LA NORME STATUTAIRE

C’est aussi en faveur de cette primauté de la règle statutaire que se prononce la chambre commerciale de la Cour de cassation, d’une manière qui n’est guère contestable même si les conséquences sont passablement inéquitables et sources possibles de responsabilité...


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INDEX

1 Cass.com 12 octobre 2022, n° 21-15.382

2 Cass com 5 juin 2019, n° 17-18.967 ; 7 janvier 2004, n° 00-11.692.

3 Cass. com., 12 mai 2015, n° 14-13.744, autorisant un dirigeant à échapper à son obligation de non-concurrence statutaire ; com., 20 janv. 2020, n° 18-15.179, autorisant un associé à échapper à son obligation de non-concurrence statutaire ; com., 18 mars 2020, n° 18-17.010, autorisant un dirigeant à échapper à son obligation de non-concurrence statutaire.


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