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Le code AFEP-MEDEF de gouvernement d’entreprise n’a pas fait l’objet d’actualisations depuis 2020. En revanche, une nouvelle édition du guide d’application de ce code vient d’être publiée par le Haut Comité de Gouvernement d’Entreprise dans une version qui prend en compte certaines évolutions. Rappelons ici le fait que la vocation de ce guide d’application est d’apporter des prises de position ou des interprétations des recommandations du code. La dernière version remonte à janvier 2020. La valeur normative du guide est égale à celle du Code qu’il a pour objet d’interpréter.

Il contient 26 rubriques. On se bornera ici à évoquer quatre points touchant à des questions sensibles : la féminisation des instances dirigeantes (I), l’accroissement de l’efficacité des contrepouvoirs (II), la déontologie de l’administrateur (III) la structure et la transparence des rémunérations (IV).

La féminisation des instances dirigeantes

La politique de mixité femmes/hommes au sein des instances dirigeantes fait l’objet de développements qui doivent être lus à la lumière de la récente loi RIXAIN. Le code AFEP-MEDEF a parlé dès 2020 d’instances dirigeantes, terminologie reprise par le législateur dans la loi n°2021-1774 du 23 décembre 2021. L’article §7.1 du code précise : « Sur proposition de la direction générale, le conseil détermine des objectifs de mixité au sein des instances dirigeantes ».

La version 2020 du guide d’application développait de manière substantielle la question. La nouvelle version apporte quelques modifications. Elle appelle à un effort d’identification par les sociétés des instances dirigeantes : « Les sociétés identifient clairement, dans leur document d’enregistrement universel, la ou les instances dirigeantes au niveau de laquelle ou desquelles des objectifs sont mis en place (comité exécutif, comité de direction, autre) ». On peut observer ici que la loi RIXAIN n’autorise pas vraiment à ne choisir que certaines instances ; en revanche, les objectifs peuvent varier selon les instances.

Le guide appelle également à une vraie ambition en ce domaine : « Les plans d’actions de féminisation des instances dirigeantes doivent être ambitieux et chiffrés et l’horizon de temps dans lequel les actions doivent être menées doit être justifié. La mise en œuvre des plans devra être suivie et les résultats publiés, y inclus les raisons pour lesquelles les objectifs n’auraient pas été atteints ainsi que les mesures prises pour y remédier ».

La féminisation des instances dirigeantes

L’accroissement de l’efficacité des contrepouvoirs

La recherche de contrepouvoirs est au cœur de la bonne gouvernance (« Check and balances »). Le guide met implicitement l’accent sur ce point en apportant des précisions concernant au moins deux contrepouvoirs spécifiques.

Ainsi, la tenue de séances du conseil d’administration hors la présence des dirigeants mandataires sociaux exécutifs constitue  une bonne pratique qui connaît une faveur croissante.  La tenue de ce type de séances est recommandée par l’article §11.3 du code .La nouvelle version du guide considère que cette recommandation s’applique aux sociétés dont les dirigeants mandataires sociaux exécutifs sont membres ou, sans être membres, assistent aux conseils d’administration. « Seuls les membres non exécutifs du conseil peuvent participer à ces réunions. Les dirigeants mandataires sociaux exécutifs (président-directeur général, directeur général et directeurs généraux délégués des sociétés anonymes à conseil d’administration, président et membres du directoire des sociétés anonymes à directoire et conseil de surveillance) ne peuvent pas être présents. Il appartient à chaque conseil de définir qui participe à ces réunions …. Les sujets abordés lors de ces réunions sont librement définis par les conseils et dépendent de l’actualité et du fonctionnement propre à chaque conseil. La libre expression des participants doit y être garantie. ».

De même la présence d’un administrateur salarié au comité des rémunérations fait figure de contrepouvoir. Ce comité est en effet un comité à fort enjeu politique. Le §18-1 du code dispose qu’ « Il est recommandé que le président du comité soit indépendant et qu’un administrateur salarié en soit membre ». On sait la difficulté qu’ont les entreprises à mettre en œuvre cette recommandation en ce qui concerne la présence d’un salarié. Le guide vient ici préciser que « La présence au comité des rémunérations d’un administrateur représentant les actionnaires salariés ne satisfait pas à la recommandation ».

La déontologie de l’administrateur

Un troisième point sensible est celui de l’exigence déontologique qui est de plus en plus affirmée. Le guide consacre des développements substantiels à la problématique de la déontologie de l’administrateur posée par le § 20 du code.

Obligation de confidentialité tout d’abord. « Il appartient à chaque conseil d’administration, s’il le juge nécessaire, de préciser dans le règlement intérieur du conseil les modalités pratiques de l’obligation de confidentialité attendue de ses membres, qu’ils soient administrateurs en nom propre ou représentants permanents » dit le guide. Il soulève, mais de manière discrète, la question de l’obligation de confidentialité des administrateurs représentants permanents, question qui divise aujourd’hui la doctrine.  

Obligation ensuite d’éliminer certaines situations de conflit d’intérêts. Ainsi pour la fourniture par un dirigeant non exécutif de conseils stratégiques et de partenariat. le Haut Comité estime que la situation de cumul est constitutive d’une situation de conflit d’intérêts structurel obérant de facto l’exercice effectif des fonctions de dirigeant non exécutif ainsi que le respect de l’article 20. Cette convention expose structurellement le dirigeant à un conflit d’intérêts ne lui permettant pas d’assurer dans des conditions satisfaisantes ses fonctions de dirigeant. Le Haut Comité considère que la conclusion d’une telle convention est incompatible avec les recommandations du code.

De mêmeest dénoncé l’exercice dans le même temps de la fonction de censeur au sein du conseil de surveillance et d’une mission de conseil auprès du directoire. Cet exercice crée à l’évidence une confusion entre les fonctions de gestion et de surveillance au sein de la société : il y a là une situation de conflit d’intérêts structurel.

La structure et la transparence des rémunérations

La structure et la transparence des rémunérations

La question des rémunérations demeure parmi les plus sensibles. On ne retiendra que les points les plus saillants.

S’agissant de la structure des rémunérations, dès lors que l’exigence de la prise en compte de la RSE prend une place déterminante dans le discours sur la gouvernance, la place des critères RSE dans la rémunération variable retient logiquement l’attention. Le code dispose que « La rémunération de ces dirigeants (dirigeants mandataires sociaux)…. doit avoir notamment pour objectif de promouvoir la performance et la compétitivité de celle-ci sur le moyen et long terme en intégrant un ou plusieurs critères liés à la responsabilité sociale et environnementale. ». La détermination de la rémunération variable d’un dirigeant doit intégrer au moins un critère environnemental. Le Haut Comité attend que les critères RSE soient définis de manière précise, soient lisibles, pertinents et intègrent les enjeux sociaux et environnementaux propres à l’entreprise. Une simple référence à l’application de politique RSE, le renvoi à un programme interne RSE ou à des enjeux généraux non définis ne sont pas suffisants. Il considère comme une bonne pratique le fait de privilégier la présence de critères quantifiables.

Hors les critères RSE, d’autres points sont abordés dont l’information sur les rémunérations., et plus particulièrement sur la rémunération des dirigeants mandataires sociaux versée par une société tierce, qu’il s’agisse ou non de la maison-mère ou d’un actionnaire de référence, et qu’elle soit ou non refacturée en tout ou en partie à la société cotée. « l’information à ce sujet doit néanmoins être exhaustive. En effet, même si la rémunération ne constitue pas une charge directe pour la société, les actionnaires doivent pouvoir s’assurer que les mécanismes incitatifs liés aux performances de leur société sont bien en place, et que la rémunération globale n’est pas excessive. L’information doit donc comporter la justification du recours à ce procédé exceptionnel, et faire apparaître par exemple que le dirigeant consacre une partie de son temps à la gestion de cette société tierce, si les intérêts de celle-ci sont suffisamment alignés avec ceux de la société cotée pour qu’il n’y ait pas de risque de conflit et si cette gestion ne réduit pas significativement la disponibilité du dirigeant. Elle doit également présenter tous les éléments qui permettent de s’assurer que les conditions spécifiées par le code sont bien respectées ».

Information également sur les indemnités de non-concurrence. On sait les abus auxquels ont donné lieu ces indemnités de non-concurrence. Le code AFEP-MEDEF s’est efforcé d’y remédier. L’article 24.3 du code dispose que « Le conseil prévoit, lors de la conclusion de l’apport, une stipulation l’autorisant à renoncer à la mise en œuvre de cet accord lors du départ du dirigeant. » L’article 23.4, que « Le conseil prévoit également que le versement de l’indemnité de non-concurrence est exclu dès lors que le dirigeant fait valoir ses droits à la retraite. En tout état de cause, aucune indemnité ne peut être versée au-delà de 65 ans ». Le guide pratique considère que la possibilité pour le conseil de renoncer à la mise en œuvre de la clause de non-concurrence au moment du départ du dirigeant ainsi que le non-versement en cas de départ à la retraite ou au-delà de l’âge de 65 ans doivent figurer dans la politique de rémunération du dirigeant étable chaque année.


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