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Expert

Régis Chemouny

Associé, EMA Head Real Estate, Responsable secteurs Asset Management, Real Estate & Private Equity

KPMG en France

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Les sociétés immobilières prennent le virage du digital…

La mise en place de stratégies digitales au sein des sociétés immobilières gagne du terrain : 58% des personnes interrogées considèrent avoir une réelle stratégie digitale en place, à l’échelle de toute ou d’une partie de l’entreprise (+6% par rapport à 2017 et 2018).

La stratégie digitale dans les entreprises

95% des sociétés immobilières comptent de plus un collaborateur entièrement dédié à la conduite de la transformation digitale en interne. 89% de ces collaborateurs dépendent directement du CEO, du Président ou d’un membre du conseil d’administration de leur entreprise, prouvant ainsi que la transformation digitale est prise très au sérieux.

Si les sociétés immobilières travaillent avec des PropTech, c’est principalement pour améliorer leur efficacité. Cette dernière peut être liée à la rapidité d’exécution ou à l’opérationnel ainsi que leur prise de décision et réduire les coûts.

Il est à noter que les brokers et les conseils sont en avance dans tous les aspects de la transformation digitale, par rapport aux propriétaires, aux promoteurs et aux investisseurs. Ceci s’explique très probablement par la nature très compétitive de l’industrie du conseil en immobilier.

…mais il pourrait être ralenti

Le manque de compétences adéquates ainsi que la culture du conservatisme de l’industrie immobilière pourraient en revanche ralentir la transformation digitale.

Convaincues du fait que la culture de l’immobilier doit absolument changer, les PropTech ont identifié plusieurs barrières à la poursuite de la transformation digitale des sociétés immobilières : le manque de visibilité sur le ROI (40%), le fait que le digital ne soit pas une priorité business (40%) et le manque de talents adaptés (27%).

65% des collaborateurs chargés de la conduite de la transformation digitale au sein de leur entreprise n’ont en effet pas d’expérience dans le digital en dehors du secteur immobilier. Il y a donc un risque que les sociétés, notamment immobilières, améliorent leurs diverses technologies avant de s’assurer que leurs collaborateurs aient les compétences nécessaires pour les utiliser.

De plus, seul un quart des sociétés immobilières interrogées considère avoir une réelle stratégie de données en place, permettant de capturer et d’analyser les bonnes données. C’est une énième preuve de l’ « immaturité digitale » de l’industrie immobilière, qui fait aujourd’hui face à un « gouffre de données ». 10% des sociétés immobilières prennent par ailleurs des décisions en s’appuyant de façon intégrée sur les données.

Cybersécurité et intégration des systèmes, deux talons d’Achille

67% des répondants affirment pourtant être plutôt confiants voire très confiants dans la cybersécurité de leur entreprise. Mais ce chiffre est à relativiser car, étonnamment, plus d’un cinquième des sociétés n’a pris aucune des mesures d’évaluation de cybersécurité énoncées dans le cadre de l’enquête.

Les niveaux d’intégration des systèmes sont en parallèle assez bas au sein des sociétés immobilières : lorsqu’on leur demande de noter ces niveaux en allant de 1 (aucune intégration) à 10 (systèmes entièrement intégrés en interne), la note moyenne s’établit à 5,4. Sur cet aspect, les brokers et les conseils sont là aussi en avance. La taille de l’entreprise n’est dans ce cadre pas un facteur, à l’inverse de la présence d’une stratégie digitale.

Les sociétés immobilières essaient par ailleurs de s’acquitter de leur « dette technique », due aux sous-investissements dans l’IT : selon nos estimations, une agence immobilière ou un promoteur immobilier peut exploiter jusqu’à 30 systèmes indépendants pour gérer ses finances, ses opérations et les différentes étapes de la chaîne de valeur immobilière. Le manque d’intégration des différents systèmes entraîne de l’inefficacité, la duplication des tâches et, surtout, des reportings peu fiables. En d’autres termes, la fragmentation des infrastructures IT impacte l’agilité des sociétés immobilières.

La technologie cloud va d’ailleurs jouer un rôle prépondérant dans l’intégration des systèmes. Trois quarts des répondants comptent un ou plusieurs systèmes hébergés dans le cloud et compatibles avec les mobiles. Mais c’est encore insuffisant pour récolter les fruits de la technologie cloud…

Les sociétés immobilières se tournent vers la technologie et le service

Au sein du cycle de vie des biens immobiliers, le stade de la gestion d’actifs ou de biens est celui qui a le plus fait l’objet d’investissements en IT (84% des répondants) et qui est le plus à même de faire appel aux PropTech. Ce stade est en effet celui qui attire le plus l’attention à la fois des sociétés immobilières et des PropTech en matière de digitalisation.

43% des personnes interrogées affirment que la gestion d’actifs ou de biens est le stade qui exige le plus de ressources. Sans compter qu’il devrait peser 22 milliards de dollars d’ici 2023.

Cette évolution s’explique par un appétit grandissant pour le modèle du Property-as-a-Service (PaaS) mais aussi par la croissance des projets immobiliers (en lien notamment avec les « immeubles intelligents) et la recrudescence de PropTech dédiées à la gestion d’actifs ou de biens. 64% des sociétés immobilières affirment qu’elles vont investir dans le digital ou dans une collaboration avec une PropTech dans le cadre de leur gestion d’actifs dans les 12 prochains mois.

Comme précisé, l’industrie immobilière s’ouvre de plus en plus aux business models axés sur la technologie, parmi lesquels le PaaS. Les espaces de co-working pèsent aujourd’hui 26 milliards de dollars US et leur nombre devrait progresser de 13% par an.

64% des répondants proposent d’une certaine façon du PaaS. Cependant, ce modèle ne représente pour l’instant qu’une petite proportion de leurs espaces. Les principales raisons citées sont le manque de visibilité quant au ROI ou encore la taille du portefeuille d’une entreprise qui ne justifie pas de proposer du PaaS à grande échelle.

Dans tous les cas, que les sociétés se tournent vers le PaaS démontre qu’elles ont compris la nécessité de centrer davantage leur approche autour du client. Cependant, l’efficacité, la prise de décision et la performance des actifs continuent tout de même d’être privilégiés en matière d’investissements. Ce qui contraste avec les PropTech, qui investissent pour la plupart dans la notation NPS et accordent beaucoup d’importance au retour client tout comme à l’amélioration de l’engagement.

Et après ?

Les PropTech sont très optimistes quant à la croissance de leur marché : 87% d’entre elles estiment que les sociétés immobilières avec lesquelles elles travaillent vont augmenter leur budget consacré aux solutions proposées par les PropTech. Aucune d’entre elle n’anticipe une baisse de ces budgets.

La transformation digitale de l’industrie immobilière, qui s’accélère, devra s’accompagner d’un changement drastique de culture. Les sociétés immobilières devront également s’affranchir des freins technologiques et financiers tout en recrutant des talents adaptés. La technologie dans son ensemble est souvent perçue comme un coût or elle constitue une véritable opportunité. Une opportunité de mieux intégrer ses systèmes, de mieux analyser ses données et, surtout, d’être plus agile.


Régis Chemouny,
Associé, Responsable secteur Real Estate & Hotels,
KPMG France.


Méthodologie

─      188 sociétés immobilières de différents sous-secteurs et de différentes tailles, basées au Royaume-Uni, en Europe Continentale, en Amérique et en Asie, ont répondu à un questionnaire en ligne sur la transformation digitale et l’innovation technologique de juillet à août 2019.
─      92 PropTech ont en parallèle répondu à questionnaire sur les mêmes thèmes.

La méthodologie complète est disponible dans l’étude.