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ETHICAL ECONOMY

Aglaé Touchard-Le Drian

Directrice associée de RAISE Impact

Le fonds d’investissement RAISE Impact a été créé en 2019 avec l’ambition d’accompagner les entreprises en transformation qui s’engagent à bâtir un avenir plus durable et une société plus solidaire. Un modèle performant et d’avenir ? Rencontre avec sa directrice associée.

En quoi RAISE Impact est un fonds d’investissement singulier ?

RAISE Impact vient compléter l’écosystème RAISE, mis en place il y a huit ans par Clara Gaymard et Gonzague de Blignières. Leur ambition était de créer une société de gestion différente, plus bienveillante. Ainsi, à côté des fonds de capital-développement, de venture, d’immobilier et de dotation philanthropique pour les start-up qui existaient déjà, RAISE Impact apporte une nouvelle manière d’accompagner les entreprises. Et ce, en ciblant celles qui ont la volonté de générer un impact environnemental ou social positif, c’est-à-dire celles qui ont au cœur de leur innovation cette volonté de changer nos manières de consommer et de produire.

Nous ciblons les entreprises qui ont au cœur de leur innovation cette volonté de changer nos manières de consommer et de produire. 


Nous sommes ainsi l’un des premiers fonds à impact à cibler aussi bien les entreprises à mission – appelées aussi « native impact » – que les entreprises en transformation, qui sont souvent de taille plus mûre. Je pense ici à Hype, qui est devenue la première flotte de taxis à hydrogène (après transformation de ses véhicules diesel). Ou encore à M2i Life Sciences, laboratoire pharmaceutique classique à l’origine, mais qui propose désormais une alternative naturelle aux insecticides chimiques.

Dans toutes nos participations, notre singularité est de chercher au-delà du rendement financier pour mesurer l’impact positif de ces entreprises. Nous allons donc plus loin que l’ESG.

Autre aspect de notre spécificité : en plus de l’apport en capital en fonds propres (par lequel nous devenons investisseurs minoritaires), nous avons également la mission d’accompagner les entrepreneurs sur le chemin de leur transition. Avec un objectif : faire en sorte que l’intégration des enjeux environnementaux et sociaux soit perçue comme une source de création de valeur et non comme une obligation de reporting additionnel que l’on mettrait sur leurs épaules.

À retenir
Un fonds à impact est un fonds d’investissement à part entière en ceci qu’il investit dans des entreprises. Mais il a la particularité d’intégrer, en plus de l’analyse du rendement et du risque pour évaluer ses participations, la dimension environnementale et sociale de l’entreprise. Chez RAISE Impact, le process d’investissement commence non pas par un comité d’investissement, mais par un comité d’impact qui analyse la théorie du changement du projet, sa contribution aux objectifs de développement durable de l’ONU… En plus d’un business plan financier s’ajoute donc un business plan « impact ».

Avez-vous l’impression que votre modèle commence à gagner en force ?

En deux ans, nous avons investi près de 100 millions d’euros dans 13 sociétés. C’est un premier point. Ensuite, notre fonds a grossi. Nous sommes partis en 2019 avec un fonds de 100 millions d’euros. Nous sommes dotés aujourd’hui de plus de 240 millions d’euros. Ce qui fait de nous l’un des principaux fonds à impact de France et d’Europe. Cela nous permet désormais d’investir sur toute la chaîne de valeur, aussi bien dans les petites innovations que dans des entreprises de plus grande taille et plus matures.

Avec ce changement d’échelle, notre posture a aussi évolué. Nous le voyons par exemple au niveau de notre écosystème et des relations nouées avec les autres investisseurs. Par exemple, nos concurrents ne sont pas d’autres fonds à impact, mais des fonds de capital-développement classiques, plus gros. Nous les percevons et ils nous perçoivent alors comme des co-investisseurs, car nous sommes en mesure d’apporter un angle différent dans l’accompagnement des entrepreneurs. Par son positionnement, RAISE Impact tente de favoriser l’évolution de l’écosystème dans son ensemble. Ensuite, plus largement, depuis deux ans, nous avons assisté à un véritable essor de la finance à impact. Et nous nous en réjouissons ! De plus en plus de fonds se lancent, deviennent plus mûrs… Les discours sur la transformation des entreprises deviennent de plus audibles et crédibles. C’est un mouvement de fond.

Le troisième niveau consiste à ne pas se contenter de réduire nos impacts mais à être transformant. Cela veut dire par exemple entraîner tout un écosystème avec nous et l'aider à devenir plus résilient, plus conforme, etc. Si nous prenons l’exemple de nos flottes électriques, nous aurions pu, pour nos contrats de flottes, mener dans le plus grand secret des négociations avec un industriel. Ce n’est pas ce que nous avons choisi de faire. Nous avons constitué un groupement d'achat avec toutes les grandes entreprises désirant s’équiper de flottes électriques, y compris nos concurrents. Ce que nous pouvions négocier de bien pour nous, tout le monde a pu en profiter, dans une logique de coopétition.

Comment se prémunir de l’« impact washing » ?

C’est une question clé ! Le critère numéro 1 pour nous est de rendre tangible l’intentionnalité du dirigeant. Il ne suffit pas d’avoir l’intention de générer un impact positif, il faut le matérialiser en construisant avec les entrepreneurs un business plan impact, parallèlement à un business plan financier. Et nous recherchons toujours le juste alignement entre la rémunération du dirigeant et les critères extrafinanciers. Il en va de même pour le carried interest* de notre équipe de gestion, qui est aligné avec des éléments qui vont au-delà de la rentabilité financière. Par ailleurs, les regards extérieurs sont essentiels, c’est pourquoi nous réalisons des audits externes.

Mais un point reste complexe pour lutter contre l’impact washing. Aujourd’hui, il n’existe pas de normes standardisées sur l’impact qui nous permettraient de parler un même langage. C’est notamment la raison pour laquelle nous avons développé notre méthodologie, appelée MMI – mesure et management de l’impact –, que nous avons mise à disposition de tous, entrepreneurs comme investisseurs, afin qu’elle devienne un outil utile et partagé pour faire avancer cette finance plus responsable.

À retenir
La méthodologie MMI – mesure et management de l’impact – développée par RAISE Impact permet de mesurer la contribution d’une entreprise aux 17 objectifs de développement durable de l’ONU (en valeur et en volume). Elle peut également être utilisée comme un outil de management, et donc de création de valeur, par les entreprises.

Un fonds à impact a-t-il vocation à rester petit ? Sinon, quels leviers actionner pour gagner en puissance ?

Sans être naïve, je suis convaincue que le modèle que nous portons est amené à se généraliser. 


Nous le voyons, de plus en plus de nos co-investisseurs classiques intègrent des indicateurs extrafinanciers.

Mais pour se développer à pleine puissance, le secteur a trois défis majeurs à relever.

Comme je l’ai dit plus haut, il y a d’abord celui d’une mesure de l’impact commune et consolidée. Ce sera capital pour attirer davantage d’investisseurs institutionnels – c’est-à-dire ceux qui sont les plus à même d’opérer les changements d’échelle.

Ensuite, il y a la question du track record. Les premiers fonds à impact se sont lancés il y a déjà dix ans, il est désormais crucial de pouvoir convaincre de la solidité de nos modèles. Notamment en démontrant notre capacité à investir dans des entreprises plus mûres, avec une rentabilité plus assurée.

Enfin, il y a l’enjeu de la taille. Beaucoup d’investisseurs institutionnels investissent des tickets très importants. Les fonds à impact sont encore souvent en deçà des radars, car ils ciblaient des entreprises plus petites. Donc, la prochaine étape sera de grossir. Non pas grossir pour grossir, mais pour avoir un impact plus important. A quand une taxonomie à impact ?

L’heure est à la relance. Est-ce un moment charnière pour vous ?

On voit effectivement un certain nombre de fonds de relance se créer. Pour RAISE Impact, nous sommes au-delà de cette question, car nous visons les entreprises qui agissent sur un horizon de plus long terme.

D’ailleurs, nous n’avons pas hésité à faire six investissements durant la crise, alors que d’autres fonds avaient posé le crayon en raison des trop grandes incertitudes. De notre côté, nous pensions que les entreprises que nous soutenions allaient se développer et se renforcer, précisément parce qu’elles proposaient des business models qui pouvaient répondre aux problématiques globales soulevées par la crise.

Ces structures sont en effet résilientes par nature, car elles œuvrent pour cette transition environnementale et sociale si essentielle pour construire des modèles plus durables. Je suis convaincue que nous accompagnons les entreprises de demain.

* Part de la plus-value réalisée par un fonds d'investissement distribuée à ses dirigeants.

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