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4 novembre 2021     |    6 min de lecture

ETHICAL ECONOMY

 Isabelle Grosmaitre

Fondatrice de Goodness & Co

La COP26, qui se tient actuellement à Glasgow, annonce des engagements forts des Etats en faveur du climat, les entreprises sont appelées à jouer un rôle grandissant pour accompagner et porter concrètement ces mesures. C’est aussi un moment essentiel permettant de célébrer le courage de dirigeants éclairés qui choisissent de mettre ces transformations au coeur de leur business model. Interview avec Isabelle Grosmaitre, Fondatrice de Goodness & Co qui accompagne les entreprises dans leur transformation vers des modèles à impact positif.

Quel est le rôle des entreprises face à l’urgence des transitions nécessaires ?

Nous sommes aujourd’hui à un point de bascule, où l’entreprise devient la principale voie de la transformation et un levier clé du progrès dans notre société.

En amenant les entreprises à s’interroger sur la question du sens et de leur utilité, la pandémie leur a fait prendre conscience qu’il était nécessaire de s’engager pour construire un monde plus durable. Comme le prouvent de récents sondages, les attentes sont fortes. Ainsi, 67% des français attendent des chefs d’entreprises qu’ils interviennent en relai des gouvernements sur les problèmes sociétaux (source Trust Barometer Edelman), 30% des jeunes déclarent être prêts à accepter un emploi moins rémunéré pour autant qu’il soit porteur de sens (Baromètre Les Echos), et 6 consommateurs sur 10 estiment avoir le pouvoir d’influencer les grandes entreprises par leur acte d’achat.

Voilà autant de signaux forts qui poussent les entreprises, quelles qu’elles soient, à agir. Je suis profondément convaincue que seules les organisations qui auront un impact positif prospéreront, parce qu’elles seront choisies par les salariés, les consommateurs, les investisseurs et les partenaires. Cette conviction n’est pas utopique, elle est d’ordre managérial, économique et sociétal. C’est une question de compétitivité voire de survie.

Nous entrons donc véritablement dans le temps de l’action et c’est une excellente nouvelle pour les entreprises qui ont intrinsèquement cette capacité à agir et sont donc amenées à jouer un rôle indispensable comme « acteur du changement et levier de progrès de notre société ». 


Comment passer du discours à l’action ?

Certes l’ensemble des dirigeants et responsables ont pris conscience de la nécessite de transformer leur modèle, mais il s’agit désormais pour eux de passer du discours à l’action.

Je crois que l’on passe d’un « modèle RSE » à un « modèle vertueux d’impact positif ». 


Il y a quelques années on parlait de « l’entreprise citoyenne » qui agissait dans son écosystème en parallèle de son business traditionnel, à travers des leviers comme les fondations, les instituts pour aider les plus vulnérables.

Depuis une dizaine d’années, on a vu le déploiement de politiques RSE, un accélérateur fabuleux de progrès pour aider les entreprises à limiter leurs externalités négatives, protéger notre planète et prendre soin des gens dans leurs pratiques quotidiennes. Ces politiques ont fait progresser de manière très importante les entreprises et la société mais elles étaient néanmoins limitées car abordées sous l’angle de la responsabilité, de la conformité.

Aujourd’hui, nous allons plus loin, vers un business à impact positif à travers un cercle vertueux qui permet de concilier sens, performance économique et impact sociétal. C’est donc un nouveau chapitre qui s’ouvre, et qui réinterroge l’utilité, le sens même de l’entreprise, et met la raison d‘être au cœur du business. 


Dans ce contexte-là, la loi Pacte qui incite les entreprises à aller plus loin vers un modèle à impact positif nous guide en quelque sorte, avec un cadre de référence que sont les sociétés à mission.

La France compte aujourd’hui 300 entreprises à mission, ce sont des entreprises qui ont choisi d’inscrire dans leurs statuts leur raison d’être et leurs objectifs sociétaux et environnementaux et qui se sont dotées pour cela d’une gouvernance ad-hoc.

Parmi ces entreprises pionnières, nous pouvons citer Camif, qui a inscrit sa mission dans ses statuts dès 2017 et devient officiellement société à mission en 2020. Avec une progression de 44% de son chiffre d’affaires l’année dernière et 88% de nouveaux clients qui déclarent avoir acheté par adhésion aux valeurs de consommation responsable véhiculées par l’entreprise, l’exemple de Camif démontre le lien évident entre performance économique et impact sociétal.

La Maif quant à elle prône l’ère de l’engagement des collaborateurs, mais aussi la réinvention des modèles de gouvernance.

Enfin, nous pouvons citer Danone, pionnière dans l’entreprise à mission avec « One Planet One Health » qui ancre son double projet économique et social au cœur de son modèle opérationnel. En devenant Entreprise à Mission, Danone a gagné 20 places dans le baromètre des entreprises préférées des étudiants en France.

Comment concilier sens et performance économique ?

Une nouvelle notion de la compétitivité est en train d’émerger : faire de la raison d’être le socle stratégique, sur lequel créer de la valeur.

Comment faire de la raison d’être un avantage concurrentiel ? Comment cultiver la synergie entre performance économique et impact ? Comment opérationnaliser cette vision ?

Pour répondre à ces enjeux, la raison d‘être devient une boussole qui guide les choix stratégiques de l’entreprise, à la fois sur la performance économique mais aussi l’impact sociétal. Elle est également un outil puissant permettant d’engager toutes les parties prenantes – quels que soient leurs fonctions, métiers, géographies - vers un destin commun.

Mars, l’une des entreprises familiales les plus avancées sur ces sujets, travaille avec une boussole à 4 dimensions qui guide l’ensemble de ses choix stratégiques : ses business reviews, choix d’investissements, rémunérations variables des dirigeants, etc.

L’Oréal est une entreprise qui démontre que performances économique et sociétale sont indissociables. La performance économique donne les moyens d’agir, de mettre en place des programmes comme L’Oréal for the Future. La raison d’être devient alors une boussole pour engager collaborateurs et parties prenantes, vers un avenir commun, et ça c’est d’une puissance extraordinaire.

Quels sont selon vous les facteurs clés du succès de ces démarches ?

Tout commence par la vision, c’est à dire l’utilité, le rôle de l’entreprise, qui reflète sans ambigüité d’une part son identité, sa culture, ses convictions et d’autre part son activité économique.

Il s’agit ensuite de passer rapidement à l’action, car on apprend en marchant. Il faut accepter de s’inscrire dans une démarche itérative et sur la durée.

Créer des modèles à impact positif, concilier durabilité et business n’est pas chose aisée. La solution est holistique, elle passe par l’innovation, la façon dont on va encourager ses clients pour aller vers des consommations plus responsables, plus durables. Promouvoir des modèles plus vertueux auprès de ses partenaires comme de ses fournisseurs.

Enfin, la capacité à engager ses collaborateurs et parties prenantes est un facteur déterminant de succès. Cela passe par la mise en place d’une gouvernance collaborative et inclusive qui s’appuie sur la co-construction, l’implication, l’engagement des 10% de collaborateurs qui peuvent faire basculer l’entreprise.

Cela demande du leadership et du courage de la part des dirigeants qui doivent préempter de nouveaux modèles, challenger les statu quo, remettre en question les pratiques de l’entreprise... Ces dirigeants éclairés s’appuient généralement en interne sur des « early makers » au service de la transformation, des activistes qui souhaitent contribuer à créer le modèle de demain.

En externe, il s’agit là de partenariats et coalitions d’actions qui se réunissent autour d’un intérêt commun, pour changer d’échelle, agir ensemble et démultiplier son impact, y compris entre compétiteurs.

Et pour conclure ?

Je crois qu’aujourd’hui les entreprises n’ont plus le choix. Seules les sociétés qui auront démontré leur impact positif prospéreront, car elles seront choisies par les collaborateurs, les clients et les partenaires. Concilier performance économique et impact positif, business et durabilité, c’est le nouveau paradigme où la question fondamentale est passée du pourquoi au comment.

Je ne crois pas que cela se fera par hasard et c’est sur cette conviction que j’ai créé Goodness & Co pour accompagner les dirigeants dans leur transformation positive, et les aider à faire de la raison d’être une création de valeur.

À retenir
Nous sommes aujourd’hui à un point de bascule, où l’entreprise devient la principale voie de la transformation et un levier clé du progrès dans notre société. Une nouvelle notion de la compétitivité est en train d’émerger : faire de la raison d’être le socle stratégique, sur lequel créer de la valeur. La raison d‘être devient une boussole qui guide les choix stratégiques de l’entreprise, à la fois sur la performance économique mais aussi l’impact sociétal.

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