• 1000
Paul Chiambaretto, Professeur de management stratégique (Montpellier Business School) et spécialiste des alliances, et aussi chercheur associé à l’École polytechnique

Découvrez l’interview de Paul Chiambaretto, Professeur de management stratégique (Montpellier Business School) et spécialiste des alliances, et aussi chercheur associé à l’École polytechnique. 


Vous travaillez depuis plus de 15 ans sur l’étude et la modélisation des stratégies d’alliance des entreprises. Comment les voyez-vous se développer ces dernières années ?

Paul Chiambaretto : Nous assistons actuellement à une accélération de ces démarches d’alliance. Elle est d’abord liée à l’accélération du temps des affaires. Les innovations sont plus nombreuses et les investissements engagés de plus en plus conséquents. Les entreprises n’ont clairement plus les moyens d’assurer seules leur développement compétitif. Prenez Samsung qui est le principal concurrent d’Apple sur le marché des smartphones, c’est aussi l’une des entreprises partenaires qui touche le plus d’argent sur la revente des iPhone, puisqu’elle fabrique les écrans et est à l’origine d’une partie du système d’exploitation iOS...

L’émergence des problématiques environnementales renforce également cette nécessité d’alliances, que ce soit pour structurer des filières de recyclage ou pour développer des produits écoresponsables. C’est le cas de Clean Sky, un consortium qui rassemble de grands industriels de l’aéronautique dans la mise au point d’avions moins polluants.

En quoi cette multiplication des démarches d’alliance conduit-elle à penser autrement leurs cadres de mise en œuvre ?

P. C. : On estime qu’aujourd’hui une alliance sur deux échoue, soit parce qu’elle s’arrête avant son terme, soit parce qu’elle n’arrive pas à atteindre les objectifs fixés. La multiplication des alliances conduit progressivement les entreprises à se retrouver à la tête de véritables “portefeuilles d’alliances”, qui les poussent à mettre en œuvre des stratégies coordonnées. Cela devient une vraie nécessité, car certaines alliances peuvent être destructrices de valeur si elles entrent en conflit avec les alliances déjà présentes dans le portefeuille. Des départements de direction d’alliances et des postes d’alliance managers émergent dans certains grands groupes pour piloter et modéliser ces démarches afin de maximaliser les synergies et de limiter les conflits entre les alliances d’une entreprise. 

Quels est le champ d’action de tels métiers et directions ?

P. C. : On n’en est qu’au commencement, car cela demande des moyens et des profils de managers expérimentés qui ne sont pas faciles à trouver. Mais l’enjeu est de rendre ces stratégies d’alliance plus efficientes et de limiter les conflits entre alliances.

Au niveau des organisations, la mise en place de ces fonctions permet d’éviter de dupliquer les fonctions entre équipes, de sorte que chacun puisse se recentrer sur son cœur de métier. Au niveau stratégique également, car les différentes formes d’alliances n’apparaissent pas pertinentes au même moment de la vie d’un projet ou d’une firme. Un consortium, par exemple, est pertinent pour opérer d’importantes levées de fonds, développer des standards communs ou définir un cadre normatif, mais ce sont des groupements lourds et au financement coûteux qui ne sont pas adaptés pour tous les projets…

De telles approches peuvent-elles redimensionner la manière dont les entreprises se pensent et se positionnent dans leurs environnements ?

P. C. : Très certainement, car c’est une démarche dynamique : plus vous vous alliez, plus vous vous ouvrez à l’écosystème de vos nouveaux partenaires. Cela permet à l’entreprise de prendre de la hauteur et de trouver des logiques de captation de valeur différentes, notamment en matière de réduction de la consommation d’énergies. Mais de telles approches gagneraient à être mieux modélisées et enseignées. Très peu d’écoles de commerce et d’ingénieurs forment véritablement à ces enjeux d’alliances.


Ces contenus pourraient vous intéresser


Aller plus loin