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Kalina Raskin, Directrice générale du Centre d’études et d’expertises en biomimétisme (Ceebios)

Découvrez l’interview de Kalina Raskin, Directrice générale du Centre d’études et d’expertises en biomimétisme (Ceebios), créé en 2013, qui accompagne plus de 150 entreprises.


Ceebios travaille depuis dix ans à promouvoir l’essor du biomimétisme. En quoi l’inspiration de la nature peut-elle accompagner les entreprises dans leurs stratégies d’innovation ?

Kalina Raskin : L’idée est de s’appuyer sur l’incroyable réservoir de créativité que constitue le vivant pour accompagner l’entreprise aux différents stades de son développement. Nous sommes généralement sollicités par des équipes qui se trouvent aux prises avec des impasses, que les leviers traditionnels ne suffisent pas à débloquer. Le biomimétisme permet de voir comment le vivant se confronte à un problème donné et quelles stratégies il adopte. Une fois les modèles biologiques d’intérêt identifiés, il s’agit de mettre à l’œuvre les sauts technologiques à même d’assurer l’intégration dans les process de l’entreprise. Cela peut aider aussi bien à trouver des substituts de colles industrielles dans le vivant qu’à développer des zones humides sur des sites de production, en remplacement de filtres antipollution, etc.

Pourquoi cette approche met-elle du temps à se développer et se diffuser ?

K. R. : L’une des difficultés est certainement liée au fait que le biomimétisme n’est pas une science en soi, mais une approche interdisciplinaire qui fait dialoguer les sciences entre elles. Aujourd’hui, la donnée biologique est encore majoritairement produite par et pour les biologistes. Elle est de ce fait peu accessible à des ingénieurs ou des développeurs, par exemple. Qui plus est, il existe peu de formations diplômantes sur le sujet. Trop souvent, le biomimétisme se résume à la recherche d’un animal totem plus proche de la pensée magique que de la science... 

Comment se déroule votre accompagnement des entreprises et quels freins rencontrez-vous ?

K. R. : Chaque dossier est un cas particulier. Notre travail se fait communément en lien avec les designers et les équipes de R&D pour cerner les enjeux, identifier les modèles d’intérêt et préparer les sauts technologiques. Les freins les plus récurrents sont moins liés au biomimétisme lui-même qu’aux innovations de rupture qui en découlent, et qui demandent des approches souvent transversales.

Ceebios travaille également à valoriser l’approche biomimétique. Quels ressorts activez-vous ?

K. R. : L’un de nos projets en cours consiste à développer un moteur de recherche de modules d’intérêt biologiques. Notre plateforme veut partir des besoins des industriels pour qualifier dans le langage de l’ingénieur les manières dont le vivant fonctionne – et en faire ainsi un vrai réflexe en matière de recherche. Cela permettrait de mettre en lumière des phénomènes peu connus, comme les propriétés des carapaces d’insectes qui peuvent servir pour certains industriels ou équipementiers. Nous travaillons également à mobiliser les grands acteurs pour faire de la France un champion du biomimétisme. Nous collaborons avec plusieurs régions ou des établissements publics comme le CNRS. Mais il manque encore de référents biomimétisme dans le champ des politiques publiques pour porter la cause.

Dans quelle mesure de telles approches contribuent-elles également à changer la vision des entreprises sur la nature ?

K. R. : C’est le véritable enjeu à terme. Le biomimétisme est une démarche qui ouvre le regard sur le vivant et draine un nouvel imaginaire d’émerveillement. Il invite l’entreprise à penser autrement sa place et son rôle, à l’échelle de ses produits mais aussi de son territoire ou de sa gouvernance. Nous voyons déjà chez quelques entreprises la volonté d’adopter une approche plus globale et de repenser le lien à la nature.


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