Le BIM, une rupture technologique pour le ferroviaire ?

Le BIM, une rupture technologique pour le ferroviaire ?

Comment le BIM peut aider à fiabiliser les projets d’infrastructures ferroviaires

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Introduction

Le BIM ("Building Information Modelling") est apparu dans les années 2000, dans le secteur du BTP. Les maîtres d’œuvres y ont vu un outil de réduction d’erreurs d’interfaces et d’optimisation des phases de construction. Son adoption s’est accélérée suite à la directive européenne 2014/24/UE (article 22.4) qui pose les bases de sa généralisation.

L’industrie ferroviaire fait face à des exigences croissantes de ses donneurs d’ordre publics pour accélérer la réalisation des projets de modernisation et développement du réseau ferré. Cette accélération fait émerger des problématiques d’interfaces et de gestion du cycle de vie des infrastructures. A l’image de ce qui se fait dans le BTP, le BIM peut-il aider les gestionnaires d’infrastructures ferroviaires à fiabiliser le déroulement de leurs projets ?

Quels sont les bénéfices du BIM pour les projets d’infrastructures ferroviaires ?

Amélioration de la qualité des projets

Le BIM permet une analyse plus fine des contraintes des différents métiers et une réduction des risques de conflits, notamment entre les métiers de tracé de voie, d’ouvrage d’art et de traction électrique, grâce à la modélisation 3D et à une meilleure coordination. Par exemple, le dimensionnement d’une section de voie peut être adapté directement aux contraintes de traction électrique, ceci dès la conception de l’infrastructure. Les erreurs d’interfaces en phase de réalisation des travaux sont ainsi évitées.

Réduction des délais et des coûts des projets

Des gains d’efficacité sont engendrés grâce au partage d’informations et à une meilleure coordination entre équipes. En phase de conception, la consolidation des données dans une maquette numérique partagée fournit un canevas qui incite à figer précisément les besoins fonctionnels au plus tôt, alors que, dans une gestion de projet traditionnelle, les allers-retours sont multiples entre la MOA et la MOE et/ou entre les métiers. L’effort est donc porté sur l’amont du projet, ce qui permet ensuite de réduire les reprises d’études. En phase de réalisation de travaux, des gains sont également rendus possibles grâce  à une  analyse plus fine des interactions entre tous les composants d’un projet et une optimisation des phases de construction.

Réduction de l’utilisation de documents papier tout au long des projets

L’utilisation d’une maquette numérique partagée entre tous les acteurs permet de réduire significativement le volume de documents papier échangés, de fiabiliser la traçabilité des modifications et de faciliter un retour en arrière si nécessaire.

Facilitation de la communication et de l’acceptation sociale des projets 

Le BIM permet de créer des visualisations 3D compréhensibles pour des parties prenantes non-techniques (élus, administrations, riverains). Ces visualisations leur permettent de se représenter le projet dans toutes ses phases de construction.

Facilitation du travail des équipes d’exploitation et de maintenance

Les pièces d’usure, ou soumises à des programmes de maintenance périodiques, sont identifiées et contiennent, dans le modèle, les informations nécessaires à leur entretien ou remplacement. Le BIM permet ainsi de faire l’économie d’une visite terrain préparatoire à une intervention,  simplement pour connaître les caractéristiques de la pièce à remplacer. Il devient aussi possible de simuler l’impact de modifications d’installations sur l’existant.

Quels sont les freins à l’adoption du BIM pour les projets d’infrastructures ferroviaires ?

Malgré les bénéfices du BIM démontrés dans d’autres secteurs, son déploiement dans le secteur ferroviaire se heurte à plusieurs obstacles.

Une organisation peu favorable

L’industrie ferroviaire travaille aujourd’hui principalement au niveau 1 du BIM. Seuls quelques projets pilotes fonctionnent en niveau 2. Ceci s’explique par une organisation peu flexible et des métiers qui fonctionnent principalement en silos. Cette organisation va à l’encontre du partage d’informations à la base du BIM et ralentit donc son adoption. Les habitudes de travail et les organisations devront se transformer pour devenir plus collaboratives, et ainsi bénéficier des avantages du BIM.

Une difficulté à financer les premiers projets en mode BIM

Les premiers investissements en mode BIM peinent à trouver un sponsor entre la MOA et la MOE. La MOA considère que c’est à la MOE de porter le financement pour améliorer son efficacité propre tandis que la MOE considère que le financement doit être porté par la MOA puisque les  bénéfices reviennent in fine au gestionnaire d’infrastructures.

Des compétences à adapter

L’adoption du BIM fait également évoluer certaines compétences clés. Par exemple, la réalisation de plans techniques ou de listes matières se feront à partir du modèle 3D. Les services actuels de production de plans techniques verront donc leurs missions modifiées.

De plus, de nouveaux métiers et de nouvelles compétences sont nécessaires. Des projeteurs BIM modéliseront les objets constitutifs de la maquette, des managers BIM seront garants des processus et piloteront la conception …

Un manque de maturité technologique

L’adoption du BIM dans le ferroviaire se heurte aussi à un manque de maturité des solutions informatiques. En effet, les principales solutions BIM ont d’abord été développées pour le marché du BTP. Peu d’entre elles ont été nativement développées pour les infrastructures ferroviaires (à l’image de Power Rail Track par exemple), ou intègrent l’ensemble des spécificités propres à ce secteur d’activité.

Un travail de normalisation en cours de construction

Le BIM dans le ferroviaire n’est pas encore normalisé. Il existe des bases solides s’appuyant sur les méthodes de pays ayant rendu obligatoire l’utilisation du BIM (par exemple au Royaume Uni avec les normes  BS 1192), mais le travail de normalisation nécessaire pour faciliter un déploiement à grande échelle est encore en cours. Des groupes de travail sont conduits, sous l’égide du projet IFC Rail au niveau mondial et de sa déclinaison française MINnD4Rail. L’objectif de ce groupe de travail est de participer à l’extension du format d’échange de données IFC aux ouvrages et équipements ferroviaires (IFC Rail) et de contribuer à leur développement et à leur déploiement. 

En conclusion

Le BIM est une rupture technologique importante avec un potentiel encore loin d’être exploité pour les projets d’infrastructures ferroviaires. Sa généralisation passera par trois prérequis : 

—   Une plus grande maturité en termes de normalisation ;

—   Un renforcement de l’offre logicielle afin de mieux tenir compte des spécificités liées à ce secteur d’activité ;

—   Une transformation majeure des organisations et des processus.

La mise en place d’une plateforme BIM est complexe, et nécessite un accompagnement expert pour assurer le bon déroulement du projet et son acceptation.

Cet accompagnement doit se faire avec des partenaires ayant une bonne connaissance des enjeux et des métiers liés aux infrastructures ferroviaires, tout en étant capables d’embarquer les opérationnels vers de nouveaux modes de travail.

Auteur :
Charles Thaumiaux
Senior Manager
Customer & Operations
cthaumiaux@kpmg.fr
Tél : +33 (0)6 08 92 02 80

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