Frise du Parthénon : l’effet de crise grecque

Frise du Parthénon : l’effet de crise grecque

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En 1798, le diplomate et archéologue français Louis-François-Sébastien Fauvel est en poste à Athènes. Ses bonnes relations avec l’administration ottomane lui permettent d’acheter et expédier au musée du Louvre une plaque de la frise du Parthénon tombée au sol. Après la défaite de Bonaparte en Egypte, la position française à Athènes s’affaiblit cependant rapidement.

En 1801, c’est au tour de l’ambassadeur anglais, Lord Elgin, de négocier avec la puissance turque l’achat – à titre personnel – du bas-relief encore en place sur le temple et le reste des plaques tombées. La moitié de la frise du Parthénon quitte l’Acropole pour le British Museum auquel Elgin la vend peu après son retour à Londres. Dès le lendemain de son indépendance en 1830, la Grèce réclame le rapatriement des « marbres d’Elgin ».

En matière de restitution d’œuvres d’art, le droit international est alors encore balbutiant. Depuis l’Antiquité jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, c’est le « droit au butin » qui s’applique : la saisie de biens culturels par le vainqueur d’un conflit armé est dans les usages, ses limites étant d’ordre politique et non juridique. La situation n’a commencé à changer qu’en 1815 : au Congrès de Vienne, la France se voit imposer le retour d’une large partie du patrimoine enlevé par les armées napoléoniennes. Les chevaux de Saint-Marc, déplacés à Paris en 1797, retournent à Venise…

En 1866, le traité de Vienne, par lequel l’Autriche cède la Vénétie à l’Italie, exige de même le rapatriement dans la Cité des Doges du patrimoine vénitien transféré dans les musées de la capitale autrichienne. Il devient par la suite courant d’inclure des clauses de restitution dans les traités de paix. Le principe est généralisé en 1954 par la Convention de La Haye (1954), puis par la conférence de l’Unesco de 1970 relatives aux transferts illicites de bien culturels.

Dans les années 1830, la diplomatie britannique a refusé le retour des marbres d’Elgin, au motif qu’ils n’avaient pas été prélevés en vertu du droit au butin mais acquis dans le cadre d’une transaction commerciale privée. La question de leur rapatriement n’a plus été soulevée jusqu’à ce qu’en 1983, à la suite de la conférence de l’Unesco, le gouvernement les réclame à nouveau.

A cette nouvelle demande, Londres a d’abord opposé le même argument qu’un siècle et demi plus tôt : le transfert de la frise au British Museum relève du droit privé. Mais la Grèce a ensuite invoqué la nullité de la vente, avançant que l’administration ottomane, en tant que puissance « occupante », n’était pas habilitée à céder des éléments du patrimoine national hellénique. A l’appui de son refus réitéré, le cabinet britannique a alors défendu l’idée que la frise du Parthénon ne relevait pas des biens nationaux grecs mais du patrimoine universel de l’humanité et que le British Museum était bien mieux équipé pour la conserver que le musée de l’Acropole dans l’air pollué d’Athènes.

Tenté de porter l’affaire devant les juridictions internationales, le gouvernement hellénique, affaibli par la crise de la dette, a fini par y renoncer en 2015, malgré l’hostilité de l’opinion publique. Mais la perspective récente de redressement de l’économie grecque l’encourage aujourd’hui à revoir sa position. Deux siècles exactement après l’entrée des marbres d’Elgin au British Museum, on s’attend à ce que la Cour internationale de Justice de La Haye et la Cour européenne des droits de l’homme soient saisies de la question de leur restitution. Cette éventualité est suivie avec attention à Paris : dans l’hypothèse – à ce stade cependant peu probable – d’un retour de la frise du Parthénon à Athènes, la plaque dite des Ergastines, conservée au Louvre depuis 1798, ne manquerait pas d’être réclamée à son tour !

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