La "question d’Orient" : vers un retour de l’expression ?

La "question d’Orient"

[Décryptages - International]

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La « question d’Orient » est l’expression utilisée par les diplomates du XIXe siècle pour désigner l’implication des puissances européennes dans le démembrement de l’Empire ottoman, depuis l’échec de la prise de Vienne par les armées du sultan en 1683 jusqu’au traité de Lausanne de 1923 qui fixe les frontières de la nouvelle Turquie.

On attribue la formule au prince de Metternich. Celui qui fut ministre des Affaires étrangères autrichien sans interruption de 1809 à 1848 aurait, le premier, mentionné la « question d’Orient » au lendemain de la conférence de Londres pour la pacification de la Grèce en 1827.

L’outil Ngram de Google permet de suivre les occurrences d’une expression dans les publications littéraires depuis l’invention de l’imprimerie. Pour la « question d’Orient », la courbe de fréquence confirme l’émergence de la formule en 1827 : l’indépendance de la Grèce lui donne son premier élan. Au cours du siècle qui suit, la courbe affiche cinq pics de fréquence, qui correspondent à autant de reculs de la Sublime Porte – le nom alors donné dans les chancelleries à l’Empire ottoman.

On publie d’abord beaucoup sur la question d’Orient vers 1840 : c’est l’époque où la principauté de Serbie s’affranchit progressivement de la tutelle de Constantinople. La formule est à nouveau abondamment mobilisée autour de 1855 et de la guerre de Crimée : l’Empire ottoman, quoique victorieux contre la Russie aux côtés de la France et du Royaume-Uni, est contraint de s’ouvrir aux industriels occidentaux. En 1878, l’expression connaît un troisième pic d’occurrence, à l’occasion du congrès de Berlin qui consacre le retrait turc des Balkans et réduit la présence ottomane dans le Caucase. Le quatrième pic intervient avec la guerre gréco-turque de 1897, certes un sursaut militaire ottoman, mais qui aboutit à la conséquence paradoxale de renforcer l’influence régionale des puissances occidentales.
Enfin, c’est au cours de la Première Guerre mondiale que la « question d’Orient » affiche son dernier et plus important pic de fréquence dans les publications.

Au lendemain du conflit, une fois arrêtée la nouvelle carte géopolitique du Moyen-Orient, la « question d’Orient » disparaît soudainement des livres et de la presse – un siècle exactement après son invention par Metternich. Elle semblait définitivement oubliée, mais ce n’était qu’une éclipse. Avec les interventions russe et turque en Syrie, voilà que la formule reprend du service dans les médias. « L'histoire est un perpétuel recommencement » dit Thucydide. Le langage diplomatique aussi !
 

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