• Marie-Claire Renault Descubes , Directeur |
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Le secteur de l’agriculture et de l’alimentation fait plus que jamais partie des priorités stratégiques pour répondre aux enjeux existants : nourrir de manière saine, durable, traçable et compétitive une population mondiale en forte croissance et désireuse de répondre à de nouvelles attentes. Une chose est sûre : les mentalités changent et nos assiettes aussi !

Avec notre série « Futur de l’alimentation : découvrez l’assiette de demain », plongez dans les enjeux et les tendances du marché de l’alimentation 

Quelles sont les attentes clés des consommateurs, et en quoi impactent-elles les stratégies des professionnels de l’agroalimentaire ? Quels sont les enjeux liés à la hausse des prix des matières premières alimentaires ? Comment l’innovation peut-elle aider à développer de nouveaux débouchés commerciaux ? Comment faire rimer alimentation et santé ? Quelles compétences développer et quels talents attirer pour saisir les opportunités de l’agriculture et de l’alimentation ?

Découvrez notre série de cinq articles publiés toute les 2 semaines pour aborder ces tendances passionnantes ! Cette semaine, découvrons ensemble les enjeux posés par la hausse des prix des matières premières alimentaires.


Pour le dernier article de notre série, explorons ensemble comment les enjeux du secteur influencent les compétences qui seront requises demain.

L’activité des professionnels de l’agriculture et l’alimentation s’est transformée depuis les années 90. L’accélération de l’automatisation et des technologies disponibles, la nécessité de regagner la confiance des consommateurs à la suite de scandales sanitaires, la biotechnologie au service de l’alimentation ou encore le développement de l’agriculture biologique sont quelques exemples marquants de ces étapes de développement. La transformation se poursuit avec des enjeux majeurs qui révolutionnent le rôle des femmes et des hommes dans le secteur : prédominance de la technologie, sécurité alimentaire, traçabilité des produits, lutte contre le changement climatique, enjeux de Responsabilité Sociétale et Environnementale (RSE), et l’accès aux marchés internationaux.

Des opportunités s’offrent à celles et ceux qui prennent conscience de l’importance de développer les compétences adéquates et de former des professionnels pour faire face à ces nouveaux enjeux. Ce besoin n’a jamais été aussi prégnant : près de 160 000 exploitations agricoles seront à reprendre d’ici 2026 [1], soit un peu plus d’un tiers des exploitations agricoles en France. Sur la base du recensement réalisé entre 2020 et 2021, les exploitations agricoles emploient 759 000 personnes (soit 583 000 équivalents temps plein). 58% des chefs d'exploitation et co-exploitations ont plus de 50 ans (+6 points par rapport à 2010), et plus d’un quart ont plus de 60 ans (+5% en dix ans) [2]. Le vieillissement de la population active dans le secteur agricole est plus rapide que la moyenne nationale. En contrepartie, davantage de profils variés intègrent le secteur (seulement 1 élève sur 10 est enfant d’agriculteur ou de salarié agricole), toutefois le renouvellement des générations demeure insuffisant.

Le secteur fait donc face au besoin de revaloriser son image pour rendre les métiers plus attractifs. D’autres pistes de travail sont envisagées vers cet objectif comme par exemple lever les freins à l’installation professionnelle ou la reprise d’une exploitation agricole, identifier des solutions pour revaloriser les revenus ou encore améliorer les conditions de travail.

Il convient également de s’assurer que l’offre de formation permet de développer les compétences identifiées comme indispensables pour soutenir le secteur de l’agriculture et de l’alimentation face aux enjeux connus. Méthodologiquement, plusieurs aspects nécessitent d’être traités pour comprendre les besoins existants, comprendre comment ils sont adressés et mettre en place les initiatives requises. Quelles sont les compétences nécessaires identifiées pour l’agriculture 4.0 ? Les parties prenantes de l’enseignement agricole ont-elles adaptées les offres de formation existantes pour développer ces compétences clés ? Permettent-elles de former suffisamment de professionnels pour soutenir le secteur ? Faut-il adapter des offres de formation en place ou en développer de nouvelles ?

L’innovation digitale dans l’agriculture se poursuit et va continuer à influencer les compétences utiles pour le secteur de demain. La capacité à se tenir informé des tendances et des technologies est clé. De même, la capacité à utiliser ces technologies est nécessaire pour développer des systèmes de production modernes et durables, mettre en place des processus de gestion et d’organisation ou encore améliorer les systèmes de commercialisation. Les besoins se sont déjà accentués vers des profils capables d’utiliser des données fiables pour prendre des décisions permettant d’améliorer la performance opérationnelle et financière. Aujourd’hui et a fortiori demain, les professionnels auront besoins de savoir gérer des données (comprendre la gouvernance et la protection des données, depuis la collecte, via l’exploitation jusqu’au stockage des données de manière sécurisée). La prise de décision s’appuiera sur la capacité à suivre et analyser les données pertinentes. Des compétences entrepreneuriales sont indispensables pour piloter les exploitations, gérer les risques et les incidents imprévus auxquels le secteur est exposé, ou encore faire preuve de créativité pour proposer des solutions. Outre les expertises techniques et business, les experts s’accordent à dire que les professionnels de l’agriculture de demain devront être dotés de ‘soft-skills’. Des professeurs de l’enseignement supérieur agricole [3] identifient notamment la résilience et la capacité à rebondir comme des atouts majeurs au monde professionnel de demain, de même que la capacité à collaborer et à faire preuve de sens-critique dans l’analyse des informations et des technologies disponibles. La liste exhaustive des compétences nécessaires dans le secteur est en constante évolution et reste à déterminer de manière transverse par les experts, toutefois des priorités peuvent être posées par les différentes filières en fonction des besoins critiques à court terme. Les propositions dévoilées par l’Institut Montaigne en octobre 2021 insistaient sur le besoin de renouveler la formation des agriculteurs pour mener à bien les transitions et adapter la formation aux pratiques de demain [4]. C’est d’ailleurs l’un des objectifs des appels à manifestations d’intérêt « compétences et métiers d’avenir » lancés par le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation en novembre 2021 à travers le dispositif de France 2030. Tous les acteurs du secteur susceptibles de porter un projet dans ce cadre sont sollicités pour adapter l’offre de formation aux métiers de demain, afin d’attirer et de professionnaliser des salariés et de nouvelles compétences en nombre suffisant [5].

Un nouveau centre de formation, baptisé Hectar, a justement ouvert ses portes en septembre 2021 afin de former de futurs entrepreneurs agricoles. Installée sur plus de 600 hectares dans la haute Vallée de Chevreuse près de Paris, l’école affirme être le plus grand campus agricole au monde. Audrey Bourolleau et Xavier Niel qui sont à l’origine du projet, ont mis en place des partenariats avec HEC et l’Ecole 42 en lien avec l’innovation et la technologie. En plus du centre de formation et de la ferme pilote, Hectar dispose d’un espace recherche, d’un accélérateur de start-up et d’innovation, d’un espace séminaire pédagogique et d'espaces de coworking [6].

A l’étranger aussi le secteur s’organise pour développer les compétences de l’agriculture de demain. En Australie par exemple, les organisations de représentation des filières agricoles se sont réunies en 2019 pour mener un projet d’envergure nationale : proposer un cadre de référence des compétences requises d’ici 2030 afin de saisir les opportunités liées à l’accélération digitale et à l’agriculture de précision [7]. Pour cela, le secteur s’est rassemblé pour comprendre les compétences futures requises, faire l’inventaire de l’offre de formation existante, et mieux former les agricultrices et les agriculteurs d’aujourd’hui et de demain pour continuer à attirer de nouveaux talents.

En conclusion, influer sur le nombre de professionnels du secteur en France est un enjeu stratégique pour l’ensemble des acteurs. Comme toute industrie, celle de l’agriculture et de l’alimentation devra également attirer les meilleurs talents pour répondre à ses besoins. Enfin, le maintien de l’adéquation des compétences détenues par les professionnels œuvrant sur toute la chaîne de valeur demeurera primordiale pour saisir les opportunités de demain et accompagner les mutations profondes de l’agriculture et de l’alimentation.

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