• Josselin du Plessis , Associé |
  • Pierre-Antoine Delahousse , Director |
7 min de lecture

Nous avions évoqué lors d’une publication récente que l’intégration de l’IT* (ou informatique) était une des causes pour lesquelles plus de deux tiers des opérations d’acquisitions n’atteignaient pas les objectifs de création de valeur attendus. C’est pourquoi nous avions partagé les 10 critères clés de succès pour réussir cette intégration, basés sur notre expérience. Néanmoins, ceux-ci restent communs et se doivent d’être adaptés selon le type d’acquéreur. En effet, qu’il soit un fonds d’investissement ou bien un acheteur stratégique, les objectifs de création de valeur de l’acheteur seront différents. Un fonds d’investissement cherche à optimiser la valeur de son acquisition à moyen-terme dans le but de revendre l’actif acquis et d’en dégager des profits.

De son côté, l’acheteur stratégique souhaite réaliser des synergies avec ses opérations existantes afin de les optimiser et donc créer de la valeur sur le long-terme. Ces divergences d’objectifs amènent par conséquent des configurations d’intégrations différentes. L’IT étant un élément significatif de succès d’une intégration, il ne peut être traité avec la même approche dans ces deux cas de figure. Les critères spécifiques de succès d’une intégration de l’IT pour un fonds d’investissement et pour un acheteur stratégique lors d’une acquisition seront ainsi traités dans le cadre de cette publication.

Les critères spécifiques aux fonds d’investissement

Les critères spécifiques aux fonds d’investissement

Un fonds d’investissement réalise généralement une acquisition avec un objectif de moyen-terme suivant trois étapes que sont l’achat, l’amélioration et la revente de l’actif. Il est ainsi moins pertinent pour ces acheteurs d’intégrer les entités acquises dans les systèmes d’autres sociétés de leur portefeuille de participations, car ceci est un processus coûteux, et permettant de créer de la valeur sur le long-terme. C’est pourquoi ces entités sont généralement amenées à opérer de manière autonome.

Pour permettre cette création de valeur à la revente, l’IT représente un levier significatif d’optimisation des ressources et joue ainsi un rôle majeur. Voici quelques éléments clés permettant d’optimiser son intégration pour répondre aux attentes d’un fonds d’investissement :

Accélérer l’exécution pour créer de la valeur le plus tôt possible : plus la transition est réalisée rapidement, plus la création de valeur va intervenir tôt dans le cycle de vie de l’actif acquis. Toutefois, la complexité de l’IT peut s’avérer être un frein à la réalisation rapide des objectifs de transition. Il est alors primordial d’envisager de multiples scénarios afin d’identifier le chemin le plus rapide tout en assurant la continuité d’activité.

Optimiser le coût des technologies pour se focaliser sur la création de valeur : pour permettre cette création de valeur à moyen-terme, il faut limiter les investissements dont le ROI ne sera pas effectif à court-terme. Ce sera par exemple le cas d’investissements dans des technologies n’apportant pas de gains rapides, voire immédiats. Ensuite, il est nécessaire d’optimiser les dépenses opérationnelles (Opex) liées aux technologies. Un premier exercice est d’obtenir une vue exhaustive de la cartographie applicative pour identifier les applications non-essentielles et les supprimer.

Faire appel à l’externalisation IT pour limiter les investissements : dans ce contexte, il est intéressant pour les acheteurs de bénéficier, dans un premier temps, des Transitional Service Agreements** IT (TSA) afin de limiter les risques et les investissements. Il convient ensuite de faire appel à l’externalisation pour garder un modèle Opex plutôt que de réaliser des investissements pour en obtenir un ROI faible voire inexistant.

Définir un modèle opératoire IT le plus « lean » possible : le modèle opératoire de la cible doit être défini pour qu’il n’y ait aucune inefficience opérationnelle ou financière. En effet, comme évoqué, un fonds d’investissement cherche à créer le maximum de valeur à moyen-terme pour rentabiliser son investissement lors de la revente. Chaque perte va dégrader cette valeur. L’acheteur doit donc définir le modèle le plus ajusté possible. Cela passe notamment par le bon dimensionnement des équipes IT, des TSA, mais aussi par le choix, champ d’action et niveaux de services (SLAs) des fournisseurs. En effet, un fournisseur ne délivrant pas le champ d’action nécessaire ou ayant une qualité de service supérieure à celle requise va générer un surcoût pour l’entité.

Partir d’un « Greenfield » IT, une nouvelle tendance : une nouvelle tendance observée depuis quelques années consiste à s’affranchir de l’IT existant lors de l’acquisition. Cela amène les acheteurs à construire leur propre environnement IT depuis une feuille blanche. Ils optent généralement pour des technologies cloud pour limiter les investissements en Capex et obtenir une plus grande flexibilité. Cette technique permet alors aux organisations d’avoir un IT sur-mesure et de se concentrer sur la gouvernance, la gestion des fournisseurs et la réalisation des attentes du métier. Un grand Corporate a ainsi créé de toutes pièces un Système d’Information basé sur le nec plus ultra technologique réduisant de presque 25% le budget IT annuel. Cette initiative a séduit un fonds d’investissement et en a favorisé son acquisition.

Les critères spécifiques aux acheteurs stratégiques

Les critères spécifiques aux acheteurs stratégiques

Contrairement aux fonds d’investissement, un acheteur stratégique a un objectif de création de valeur à plus long-terme. Il souhaite généralement intégrer l’entité acquise dans ses systèmes afin de réaliser des synergies tant métier qu’IT.

Ces synergies vont permettre à la fois de mutualiser certains coûts de l’IT mais aussi d’optimiser des processus métier (e.g. permettre à deux forces de vente de travailler ensemble à partir du closing). Voici quelques critères clés de succès pour réussir son intégration dans le cas d’un acheteur stratégique :

- Avoir une bonne compréhension de son environnement IT existant : en amont de la préparation des plans d’intégration de l’entité acquise, l’acheteur stratégique doit avoir une vision exhaustive de son propre environnement IT et des coûts afférents. Ceci va lui permettre d’identifier les éléments sur lesquels il pourrait bénéficier de l’entité acquise et ceux sur lesquels capitaliser afin d’en favoriser l’intégration.

Identifier les opportunités et risques de l’IT de la cible : dans la continuité de la Due Diligence IT, il est important pour l’acheteur stratégique d’identifier les risques et opportunités de l’IT de la cible en fonction du contexte et de son propre environnement. Cela va représenter les prémices de la stratégie d’intégration et du plan de réalisation des synergies IT.

Définir un plan rigoureux de réalisation des synergies IT avec des objectifs prédéfinis dans le temps : la construction du plan de synergies IT intervient avant le closing ainsi qu’en phase de transition et inclut : les plans opérationnels (e.g. mutualisation d’ERP), les coûts d’implémentation associés, les besoins en termes de ressources, les plans d’actions, la décomposition et planification des actions, les objectifs et indicateurs de performance et enfin, la répartition des gains dans le temps. Comme lors d’une mission récente, l’analyse des synergies IT permet également d’assurer la viabilité de la transaction, certaines hypothèses devant alors être testées avec le vendeur. Par ailleurs, nous conseillons de piloter la réalisation des synergies de manière spécifique, en la dissociant des autres activités liées à l’intégration et en créant une instance de gouvernance dédiée.

En conclusion, pour un fonds d'investissement, l'intégration de l'IT joue un rôle fondamental pour lui permettre de maximiser la création de valeur de son acquisition à moyen-terme. Des leviers tels que l’optimisation des technologies, la définition d’un modèle opératoire « lean » ou l’externalisation contribuent à limiter les investissements, réduire les dépenses et éviter les pertes. Pour un acheteur stratégique, la réalisation de synergies IT est déterminante pour créer de la valeur à long-terme. Cela exige une compréhension globale et objective de son environnement IT afin de bien identifier les opportunités et risques de la cible. Une fois cette évaluation effectuée, il est nécessaire de définir un plan de réalisation de ces synergies et de le suivre rigoureusement.

Co-auteurs

Cet article a été rédigé en collaboration avec Antoine Mohtady, Consultant, Technology Transformation.



Sources et références
* IT= comprend à la fois la dimension organisationnelle de la Direction des Systèmes d’Information (DSI) incluant le modèle opératoire et les processus. Mais aussi, les technologies qui lui sont associées : applications, infrastructure, réseau, cyber-sécurité, données…
** TSA= services temporaires délivrés par le vendeur sur un champ d’action donné et une durée prédéfinie contre une redevance monétaire.