• Albane Liger-Belair , Partner |
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Les organisations ont su innover, parfois très vite. Oui, le numérique peut être le support de la proximité, les exemples de services aux citoyens ou aux actifs le prouvent. A certaines conditions…

Le confinement derrière nous, la distanciation physique va néanmoins perdurer quelque temps. Et il ne fait aucun doute que l’accélération des usages du numérique observée pendant le confinement a déjà bouleversé tous les domaines (consultation médicale ou école à distance, télétravail, médias en ligne, e-commerce et e-entertainment…) et pour tout un chacun… Inconcevable, donc, d’envisager un retour en arrière. Selon Omdia, le trafic internet mondial a bondi à lui seul de 70 % en avril 2020 dans les zones confinées du globe. Reste que le confinement a aussi mis en lumière une grande soif de liens chez les citoyens (familiaux, amicaux, etc.). Alors, comment les organisations peuvent-elles créer de l’humain, de la relation et de la proximité par le numérique avec leurs collaborateurs, leurs partenaires en affaires, les citoyens ? Comment articuler offre en ligne et lien physique ?  

Commerces de proximité : passage au numérique en accéléré

En déployant plus largement leurs offres existantes, mais surtout en les adaptant, les acteurs publics ont tout de suite cherché à maintenir une proximité à multiples facettes, notamment via les services aux citoyens. Plusieurs initiatives de soutien au petit commerce ont ainsi vu le jour. Qwant a accompagné, face à la hausse des achats en ligne durant le confinement, ses partenaires e-commerçants pour mettre leur offre en valeur, les faire gagner en visibilité… Les collectivités locales n’ont pas été en reste, comme la municipalité de Rueil-Malmaison qui a, comme d’autres, créé dès avril une plateforme de vente en ligne pour ses commerçants. À l’autre bout de l’échelle, côté Gafam, Facebook Shops a été lancé en mai 2020 afin d’aider les TPE-PME à prendre leur part du gâteau sur ce marché en plein boom de la vente en ligne.  

Des outils et offres dédiés à la période

La recherche de proximité par le numérique s’est aussi manifestée par des contenus et des actions dédiés aux besoins spécifiques du moment. Il y a eu, bien sûr, le déploiement accéléré d’outils de télétravail, de téléconsultations, d’accès gratuit à certains médias, etc. Lik, un média participatif qui met en ligne de courtes vidéos de témoignages sur des thèmes liés au travail et au management, a ainsi mis en avant des sujets fortement réclamés par les usagers pendant le confinement, comme le télétravail. Mais il a aussi proposé des témoignages de professionnels – des médecins – directement au cœur de la crise sanitaire, souligne son cofondateur, Amory Panné. Qwant a, pour sa part, créé une page « spécial Covid » au vu du grand nombre de requêtes sur ce sujet, « avec des informations vérifiées, en partenariat avec le ministère de la Santé et le secrétariat d’État au Numérique », souligne Jean-Claude Ghinozzi, président et CEO de Qwant, et ce « en ligne avec la mission et les valeurs » du moteur de recherche français qui se veut une « alternative à Google ». De son côté, Orange ne s’est pas contenté d’entretenir, voire d’étendre, la capacité de ses réseaux. « Nous avons aussi organisé des rendez-vous avec les préfectures et les associations d’élus locaux pour comprendre leurs besoins, décrit Cyril Luneau, Directeur groupe des relations avec les collectivités locales. Nous avons ainsi aidé un département (Charente-Maritime) à proposer une solution de téléconférence à destination de toutes ses communes qui en faisaient la demande. Notre plateforme d’entraide a aussi connu un fort succès – nous en avons activé plus d’une trentaine, à la demande des élus, pour mettre en relation, au sein de la collectivité, des citoyens offrant des services au quotidien, comme les logements pour les soignants. » De ces expériences ressortent quatre clés constitutives d’une offre numérique pertinente pour demain, qui joue son rôle dans la proximité avec tous les publics.

Une offre numérique qui donne toute sa place à l’humain

Il y a d’abord l’enjeu du respect de la vie privée, « prégnant chez les internautes français, européens et du monde, assure Jean-Claude Ghinozzi, chez Qwant. Nous sommes déjà très positionnés sur cette question, pour nos usagers et nos collaborateurs. A l’horizon 2025, 25 % des requêtes sur le web se feront en mode privé, contre 10 % aujourd’hui. » Signe des temps : le « privacy by design » attire désormais de gros acteurs, comme l’opérateur télécom Verizon, aux États-Unis, qui est en train de créer un moteur avec Bing en mode « privacy ». Vient ensuite le contexte : le numérique doit être choisi, et non subi. Il y a alors complémentarité, et non contradiction, entre l’écran et l’humain. « Dans toute structure, je fais confiance aux dirigeants et aux représentants du personnel pour poser des limites permettant un bon usage du numérique », affirme Jean-Claude Ghinozzi. Cela vaut aussi pour le télétravail, qui a prouvé ses atouts mais aussi montré ses limites. Troisième clé : de bons équipements grand public, des infrastructures à la hauteur, et de la médiation, en particulier face à l’enjeu de la fracture numérique (1). « Le fort taux de pénétration des smartphones en France est une opportunité pour la réduire, soutient Jean-Claude Ghinozzi. Le confinement a accéléré leur usage, y compris par des populations moins concernées jusqu’alors (seniors). » A noter que des structures comme Emmaüs Connect travaillent déjà à réduire cette fracture, et que le succès des formulaires d’autorisation de sortie en FALC (facile à lire et à comprendre) devrait favoriser la généralisation d’un design réellement « user friendly ».

Complémentarité numérique et physique pour profiter du meilleur des deux mondes

Enfin, si les aspirations à la « vraie vie », au contact en chair et en os s’expriment haut et fort, chacun veut en réalité profiter du meilleur des deux mondes : le numérique quand c’est plus rapide, moins coûteux en effort, ou avec un service en plus ; et des expériences relationnelles plus riches dans le monde physique. L’accélération de certains usages numériques peut perdurer, et se développer, si les acteurs jouent à bon escient la carte de la proximité et l’articulation fluide avec le monde réel. « Orange va notamment conserver la prise de rendez-vous par internet avant de venir en boutique – instaurée pour gérer le déconfinement – car nos clients l’apprécient », pointe Cyril Luneau. Et Lik songe à traverser l’écran, avec une nouvelle offre de mise en relation, IRL, de coachs avec des actifs en questionnement.

L’avenir semble de plus en plus s’orienter vers une coexistence, pour le meilleur, de l’écran et du lien physique de proximité, selon les personnes et les circonstances. L’être humain, cet « animal social », aura toujours envie de se retrouver dans des lieux où consommer, où être écouté, où trouver des réponses. Parions sur l’enrichissement de l’expérience physique par le numérique, en amont, en aval, à côté.

Source
(1) En 2019, 17 % de la population française n’avait pas accès au web ou avait des difficultés pour utiliser ces outils (source : Insee).