• Jean-Baptiste Leduc , Senior Consultant |
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S'appuyer sur une vision claire et partagée de la donnée client entre tous les canaux est une condition nécessaire aux innovations marketing et un accélérateur de l'amélioration de l'expérience client. 

Historiquement cette promesse d'atteindre une vue "customer 360" a pris de multiples formes en termes de solutions SI : Référentiel Client Unique, Master Data Management, Datalake client, Data Management Platform, Customer Relationship Management et plus récemment Customer Data Platform (CDP).

Cette diversité de solutions - qui n'ont pas toutes eues le succès escompté - doit nous convaincre qu'il n'y a pas d'approche unanime de ces problématiques.

Il s'agit plutôt d'assembler de manière pragmatique les bons outils et pratiques afin qu’elles s’adaptent à un contexte métier et technologique spécifique.

La donnée client est aujourd’hui captée et utilisée par de multiples points de contacts online et offline. Une CDP doit permettre de réconcilier ces données pour en constituer une vue unifiée qui pourra ensuite être distribuée à tous les systèmes qui en tirent de la valeur. En quelques mots une CDP est une solution à même de collecter, réconcilier, segmenter et  distribuer la donnée client.

Plus concrètement il s’agit donc :

• De collecter la donnée, qu’elle provienne des magasins physiques, des sites e-commerce, du service après-vente, du programme de gestion de la fidélité etc.

• De réconcilier la donnée client, c’est-à-dire d’être en mesure de rattacher à une fiche client unique des informations (plus ou moins complètes) provenant de diverses sources.

• De proposer des interfaces ergonomiques pour établir facilement des segmentations, consulter la donnée client unifiée et faire du reporting et de l’analyse de donnée client.

• De distribuer de la donnée client et de segmentation à des outils d’activation marketing (outils de gestion de campagne, d’emailing, de marketing automation…) mais également dans les autres systèmes qui consomment de la donnée client (système de gestion de fidélité, CRM, systèmes de gestion de points de vente, call-center…) 

Outre ces principales fonctionnalités, une CDP doit aussi être en mesure de gérer les aspects liés au consentement (RGPD, CCPA…), elle doit également répondre à un certain nombre de contraintes techniques pour assurer un stockage efficace et une diffusion rapide des données clients dans tous les systèmes intéressés.

Enfin, un des enjeux principaux d’une CDP est d’être en mesure de rattacher de la donnée anonyme à un client connu à partir du moment où celui-ci crée un compte. Une CDP est donc particulièrement attendue sur sa capacité à gérer des données anonymes issues de cookies (ou d’une plateforme tierce type DMP) et à proposer des solutions pour palier la disparition progressive des cookies (‘server-side cookies’ par exemple).

On pourrait donc définir une Customer Data Platform comme une solution technologique à même de répondre aux principaux enjeux fonctionnels exposés précédemment. En ce sens si vous disposez d’une solution ou d’un assemblage de solution qui permet de collecter, réconcilier, segmenter et distribuer la donnée client : vous êtes peut-être en quelque sorte déjà équipés d’une CDP à qui il ne manque que le nom.

Pour autant, il ne suffit pas d’être doté des meilleures solutions de marketing et de gestion de la donnée client du marché. Encore faut-il réussir à faire dialoguer ces systèmes.

Il est courant de constater que des entreprises disposent de systèmes marketing et digitaux de pointe mais qui ne communiquent pas ou mal entre eux. Avec pour conséquences :

• des données des plateformes de contenus ou achats médias qui ne sont pas croisées avec les données web, mobiles ou issues des réseaux sociaux,

• des retours clients captés en boutique, online ou en call-center qui ne sont pas consolidés,

• une absence de temps réel dans la diffusion de la donnée entre les canaux,

• une réconciliation entre les profils anonymes et reconnus laborieuse etc. 

La qualité de l’assemblage de vos outils digitaux et marketing constitue alors un enjeu crucial. La CDP est une des approches (mais pas la seule !) qui fournit une réponse à cet enjeu.

Plusieurs scénarios sont possibles, en voici quelques exemples :

1. Une CDP « extensive »

Une solution CDP pure player qui couvre un large spectre de fonctionnalités depuis la collecte jusqu’à l’activation pour peu que les besoins en nettoyage de donnée et en gestion de campagne / activation ne soient pas trop poussés. Cette solution n’apporte pas la couverture fonctionnelle la plus pointue mais elle présente d’évidents avantages de simplicité en termes d’architecture et d’intégration. Cette approche permet également de fournir quelques fonctionnalités basiques de segmentation et d’activation à des organisation ou des marchés qui n’ont pas la capacité ou la nécessité d’utiliser des outils de gestion de campagne et de marketing complexes et onéreux.

Scénario 1. Une CDP « extensive »

2. Une CDP « light »

Une CDP minimaliste qui s’appuie sur un écosystème technologique complet (solution Datalake avancée en aval et de campaign management en amont). La CDP est réduite à sa portion congrue : unifier la donnée et établir des segments. Cette approche permet de se concentrer sur les fonctionnalités que les CDP pure player du marché maîtrisent le mieux et sur lesquelles elles apportent le plus de valeur ajoutée. L’ajout d’un Datalake en amont est souvent nécessaire dans ce scénario afin d’alimenter la CDP avec des données qui ont été en partie consolidées, nettoyées et normalisées. Dans des organisations où les marchés ont des niveaux de maturité assez hétérogène, ce scénario permet d’assurer une consolidation centrale de la donnée client tout en laissant aux différents marchés l’autonomie sur les canaux de collecte et d’activation.

Scénario 2. Une CDP « light »

3. Une combinaison Datalake + solution d’intégration de données (ETL, ESB, iPaaS…)

Un assemblage de solutions d’intégration (ETL, ESB, iPaaS) et d’un Datalake augmenté d’interfaces visuelles en s’appuyant sur des solutions PaaS (MS Azure, AWS, Google, …). Cette solution repose sur une architecture moins minimaliste que dans les autres scénarios présentés. Elle a en revanche l’avantage de s’appuyer sur des composants SI présents dans de nombreuses organisations. Moyennant quelques développements ad-hoc, il est alors possible de reconstituer une CDP « maison » en tirant profit des technologies déjà maîtrisées et couramment utilisées dans l’entreprise.

Scénario 3. Une combinaison Datalake + solution d’intégration de données (ETL, ESB, iPaaS…)

4. Un Customer Identity and Access Management system poussé dans ses retranchements

Une utilisation poussée d’une solution de CIAM pour réaliser l’unification des données clients et des briques best of breed pour les aspects segmentation et activation. Cette approche est un peu plus exotique. Pour autant certaines solutions de CIAM se positionnent sur une partie de la chaîne de valeur d’une CDP. Si vous disposez d’une telle solution il peut être intéressant de l’envisager. Il sera alors nécessaire de l’alimenter par exemple grâce à un datalake et de s’appuyer sur des solutions dédiées au marketing pour compléter le périmètre fonctionnel.

Scénario 4. Un Customer Identity and Access Management system poussé dans ses retranchements

Il n’y a pas aujourd’hui de périmètre fonctionnel qui ne puisse être couvert que par une brique de CDP :
 

  • Les fonctionnalités de collecte, nettoyage et unification des données client peuvent être couvertes par un CIAM avancé ou des développements spécifiques relativement légers autour d’un Datalake par exemple.
  • Les fonctionnalités de segmentation et d’activation peuvent être confiées à des outils dédiés : solutions d’analytics, de gestion de campagne, de marketing automation etc.

Il est donc tout à fait possible de ne pas utiliser de CDP et de couvrir toutes ces fonctionnalités via une intégration pertinente des briques dont vous disposez peut être déjà.

Tous ces scénarios ont néanmoins pour point commun d’accorder une attention particulière à l’unification et à la diffusion des données. Ils sont surtout évoqués ici à titre d’exemple, pour illustrer la multiplicité des approches possibles pour répondre aux enjeux de vue unifiée de la donnée client. D’autres éléments de votre écosystème viendront influer sur le choix de la meilleure configuration à déployer.

Par exemple, si votre écosystème client repose déjà en grande partie sur les technologies Salesforce il pourrait être intéressant de capitaliser sur leur nouvelle solution de CDP « Customer 360 ».

A l’inverse, si vous disposez d’un écosystème très hétéroclite, une CDP Pure Player ayant prouvé sa capacité à disposer d’un large choix de connecteur out-of-the box pourra être une bonne option.

Sans être exhaustif, voici quelques critères qui peuvent vous aider à choisir entre différents scénarios :

• Des critères d’expérience utilisateur : qui doit pouvoir interagir avec la/les solutions (équipes marketing, équipes IT, data scientists…) ? des équipes non techniques doivent-elle pouvoir être en complète autonomie sur la plateforme ? L’ajout de nouvelles sources de données pour alimenter la plateforme doit-il être possible sans ligne de code ?

• Des critères fonctionnels : quels fonctionnalités doivent être couvertes en priorité ? Dans quelle mesure des fonctionnalités de normalisation et de nettoyage des données sont-elles requises ? Des capacités avancées en machine learning et en visualisation de données sont-elles nécessaires ? À quel point la solution doit-elle permettre de faire de l’activation ?

• Des critères d’intégration à un écosystème existant : quelles sont les solutions et les éditeurs déjà bien implantés dans votre écosystème ? Quelles sont les technologies privilégiées ? Comment s’échangent usuellement les données (batch, API…) ?

 Des critères de coûts : quelles synergies de licences sont envisageables au regard des solutions déjà présentes ? quel est le coût de(s) solution(s) envisagée(s) ? Selon quelle métrique (nombre de profils client, nombre d’utilisateurs, nombre "d’évènements" …) ?

A ces éléments peuvent s’ajouter d’autres considérations plus prosaïques : capacités des éditeurs retenus à disposer ou à faire appel à des équipes d’intégration en France (de nombreux éditeurs de CDP sont basés aux États-Unis), possibilité de souscrire en droit français, garanties concernant la sécurité et la disponibilité des données…

Quelle que soit la solution ou l’assemblage de solutions choisi, la promesse de la vision « customer 360 » ne pourra être tenue que si ces solutions s’adossent à une organisation adéquate.

Une fois la donnée client consolidée et partagée de manière fluide entre tous les canaux et points de contacts, il reste à définir le modèle opérationnel qui permette de tirer toute la valeur de cette donnée.

Il s’agit alors d’effectuer les bons arbitrages pour contrôler la pression relationnelle et commerciale et accompagner le client dans une expérience de marque complète et cohérente.