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Après avoir lancé une consultation publique au mois de mars 2022, la Direction générale du Trésor a publié en septembre 2022 des lignes directrices relatives au contrôle des investissements étrangers en France. Longtemps considéré comme indigeste, le dispositif s’est considérablement clarifié au fil des réformes successives et il est désormais accompagné de lignes directrices qui s’inscrivent dans cette quête de clarté.

 

CLARIFICATION GÉNÉRALE

Présentées comme un « outil pédagogique » visant à « apporter un éclairage et un appui méthodologique » par le Trésor, ces lignes directrices remplissent assurément les objectifs affichés. Après avoir rappelé dans quel contexte normatif européen le dispositif a été adopté, le document, d’une cinquantaine de pages, explique et précise, point par point, le mécanisme d’autorisation et clarifie les rôles respectifs des parties et du Trésor.

Le document comporte trois parties suivant chronologiquement les différentes étapes de la procédure :

■    Le champ d’application du contrôle des investissements étrangers en France

■    Le déroulement de la procédure d’autorisation ou d’examen préalable d’une activité

■    Le suivi des autorisations et la révision des conditions

CLARIFICATIONS PARTICULIÈRES

Plusieurs aspects du dispositif ont gagné en lisibilité. On retiendra ici les principaux.

Les « greenfields projects » placés hors champ

Ainsi que nous l’avions suggéré*, une clarification était requise s’agissant des créations d’entreprises par les étrangers en France : étaient-elles ou non soumises à la procédure d’autorisation ?

Cette clarification est apportée par les lignes directrices, levant ainsi l’ambiguïté : « les créations d’entités en France par un investisseur étranger pour développer une activité en France – également dénommées investissements « greenfield » - ne sont pas soumises au contrôle IEF »2.

Opérations dites « aléatoires »

Les lignes précisent également que seules les opérations dont la réalisation est certaine entrent dans le champ du contrôle. Il s’ensuit qu’une opération d’acquisition soumise à un aléa dans sa réalisation échappe au dispositif tant qu’elle demeure incertaine3.

L’acquisition de titres convertibles en actions, par exemple, ne devra être soumise à autorisation qu’au moment où la conversion sera souhaitée.

Acquisition d’un contrôle de fait par un investisseur étranger

On a également pu s’interroger sur des situations d’acquisition d’un contrôle de fait par un investisseur étranger puisque les textes visent, sans distinction, le fait d’acquérir un « contrôle »4.

Les lignes directrices confirment l’analyse dominante : l’autorisation doit être sollicitée en cas d’acquisition d’un contrôle de fait5. Dans la même logique, le passage d’un contrôle conjoint à un contrôle exclusif est abordé6 et la notion de franchissement indirect du seuil de déclenchement du contrôle, explicitée7.

Mesure temporaire d’abaissement du seuil de franchissement des droits de vote dans les sociétés cotées

Les lignes directrices fournissent également des explications sur la mesure temporaire d’abaissement du seuil de franchissement des droits de vote dans les cotées, car les textes étaient laconiques8 et consacrent quelques développements à la clarification de ce qu’il faut entendre par « activités sensibles ». Ce point était attendu*.

Les lignes précisent, à cet égard, que la sensibilité de l’activité s’apprécie au cas par cas et indépendamment de l’importance de l’investissement ou du chiffre d’affaires de la société cible.

Déroulement de la procédure

En ce qui concerne le déroulement de la procédure, il était apparu nécessaire de systématiser la formalisation d’un récépissé de dépôt du dossier auprès du ministère afin de donner un point de départ précis aux délais applicables*. À défaut, celui-ci pouvait être, de fait, reporté sine die par l’administration ce qui avait pour effet de perturber les calendriers d’acquisitions dont on sait qu’ils revêtent une certaine sensibilité, en particulier dans les opérations transfrontalières. Le souhait a été entendu. Les lignes directrices prévoient que « le dépôt d’un dossier de demande d’autorisation fait l’objet d’un accusé de réception confirmant la bonne réception de la demande »9.

D’une façon plus générale, les clarifications techniques apportées à la procédure d’autorisation seront appréciées des praticiens. Il apparaissait notamment souhaitable de clarifier l’hypothèse suivante : si, quelques semaines après la décision du ministre, l’activité de la société cible était partiellement réorientée, sa décision serait-elle ou non caduque ?*.

Les lignes directrices apportent une réponse. Si la décision est une décision de non-éligibilité, celle-ci « ne saurait préjuger pour l’avenir et de manière absolue d’une décision similaire, si les circonstances qui ont conduit à l’adoption de cette décision initiale ont évolué »10. Si, à l’inverse, la décision est une décision d’autorisation et qu’une évolution « de fait ou de droit de nature à remettre en cause l’instruction réalisée sur les activités et l’opération projetée » est intervenue, l’investisseur sera tenu de « déposer une nouvelle demande d’autorisation »11.

 

CONCLUSION

En définitive, l’effort de lisibilité du dispositif entrepris par le Gouvernement depuis plusieurs années et poursuivi par ces lignes directrices est assurément louable et mérite d’être ici relevé. Ces lignes directrices sont précises, pédagogiques et engageantes pour la Direction générale du trésor à l’instar de leurs homologues dans d’autres disciplines12.

Il reste néanmoins quelques points à améliorer et, en particulier, concrétiser l’existence d’une « passerelle » entre la demande préalable d’examen et la demande d’autorisation.