L’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés ajoute un 11° à la liste des actes de commerce par nature contenue dans l’article L. 110-1 du code de commerce : « entre toutes personnes, les cautionnements de dettes commerciales ».

Désormais, le fait de cautionner une dette commerciale rend le cautionnement commercial avec pour conséquences le jeu de la présomption de solidarité passive (verticale et horizontale) et la compétence du tribunal de commerce (c. com., art. L. 721-3, 3°).

Une nécessaire clarification

Il s’agit là d’une évolution importante. En effet, le cautionnement est fondamentalement un acte civil. Il est à l’origine un service d’ami. Toutefois, dans trois hypothèses, il acquiert un caractère commercial :

■    Par nature, tout d’abord, s’agissant des cautionnements donnés par les banques et établissements de crédit : le cautionnement est en effet au cœur de leur activité. Il s’agit d’une opération de banque.

■    Par la forme, ensuite, avec la figure de l’aval garantissant une lettre de change, un billet à ordre ou un chèque : l’aval est un acte de commerce.

■    Par accessoire, enfin, donné par un commerçant dans l’exercice de ses activités.

Mais une quatrième hypothèse est plus problématique. Lorsque la caution jouit d’un intérêt patrimonial personnel dans l’opération garantie, le juge considère que le cautionnement prend alors une coloration commerciale. Cette caution est bien souvent le dirigeant de la société commerciale bénéficiaire du cautionnement.

Ce dernier critère est d’origine purement jurisprudentielle et a souvent fait l’objet de critiques. S’agissant des dirigeants, ils ont indubitablement le plus souvent un intérêt patrimonial personnel à l’opération pour laquelle ils se portent caution. En revanche, les fluctuations jurisprudentielles sont apparues avec le conjoint du dirigeant, les enfants de celui-ci, ses amis, l’associé ou le salarié de la société débitrice. L’hésitation, ici, est en effet permise. L’existence de ce critère subjectif de la commercialité est devenue source d’incertitude et matière à contentieux.

En pratique, quelle que soit la juridiction devant laquelle le créancier assigne la caution, il se voit opposer in limine litis l’incompétence de la juridiction saisie. Il paraissait nécessaire de mettre fin aux incertitudes jurisprudentielles en retenant une solution unitaire.

Analyse du cautionnement commercial de la réforme du droit des sûreté par KPMG Avocats

Comment résoudre la difficulté ?

Deux possibilités étaient envisageables :

■    L’avant-projet de l’Association Capitant prévoyait que le « cautionnement par un non-commerçant d’une dette commerciale est civil » (Avant-projet, art 2290, al 2).

■    L’ordonnance adopte une règle inverse. Elle dispose dans son article 28 que le cautionnement d’une dette commerciale est, entre toutes personnes, commercial.

Désormais donc, le contentieux relatif à ce cautionnement relèvera de la compétence des juridictions commerciales. La solution retenue se veut répondre à un objectif de bonne administration de la justice, le tribunal de commerce étant saisi à la fois du contentieux relatif à la dette principale et de celui relatif au contentieux de la caution (Rapport au Président de la République, p 18). C’est aujourd'hui manifestement l’intérêt le plus évident de la solution. Elle rend en outre possible le recours à l’arbitrage, la clause d’arbitrage ne pouvant toutefois être opposée à la caution que lorsqu’elle a été souscrite dans le cadre de son activité professionnelle (C.com. art. L. 721-3, al 3).

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L’objectif des auteurs de la réforme est-il atteint ?

Peut-être pas totalement. Pourra toujours être discuté le caractère commercial de telle ou telle dette cautionnée (ex. garantie de passif). Ou encore l’éventuelle application de la disposition nouvelle à des cautionnements antérieurs au 1er janvier 2022.

Et il y aura des discussions car nombre de cautions civiles n’auront aucune envie de se retrouver assignées devant les tribunaux de commerce et encore moins qualifiées de cautions solidaires.


Index

DEJÀ PARUS

■    Présentation générale (28 septembre 2021)   

■    L’application dans le temps de la réforme (30 septembre 2021)

■    Le cautionnement et la mention manuscrite (5 octobre 2021)

■    Le cautionnement commercial (8 octobre 2021)

■    Le sous-cautionnement (12 octobre 2021)

■    Principe de proportionnalité et devoir de mise en garde (14 octobre 2021)

■    L'information de la caution (19 octobre 2021)

■    Les gages : généralités (21 octobre 2021)

■    Les sûretés réelles pour autrui (26 octobre 2021)

■    Le nantissement général (28 octobre 2021)

■    Les nantissements spéciaux (2 novembre 2021)

■    Le nantissement de titres financiers (4 novembre 2021)

■    La cession de créance à titre de garantie (9 novembre 2021)

■    La cession de somme d'argent à titre de garantie (16 novembre 2021)

■    Les garanties sur le fonds de commerce (18 novembre 2021)

■    Privilèges, hypothèque et mesures diverses (23 novembre 2021)


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