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Un récent arrêt vient remettre l’attention sur une question qui n’a jamais reçu de réponse véritablement consensuelle. La convention de compte-courant d’associé constitue-t-elle nécessairement une convention réglementée soumise à la procédure d’approbation requise par les articles L. 223-19 (SARL), L. 225-38, L. 225-86 (SA), L. 227-10 (SAS) du Code de commerce ? Ou faut-il distinguer des hypothèses appelant des réponses différenciées ?

Une réponse ministérielle de 19811, très largement citée, évacuait toute discussion en considérant que la procédure s’appliquait dès lors qu’on était en présence d’une convention de compte-courant productive d’intérêts. Dans un arrêt du 21 avril 20222, la chambre commerciale de la Cour de cassation se prononce sur la question sans plus de nuances : « La conclusion d'une convention de compte courant d'associé, qui est une convention réglementée(…) ». Durant la quarantaine d’années qui a séparé ces deux affirmations, jurisprudence, doctrine et autorités professionnelles ont adopté des positions souvent beaucoup plus nuancées.

Faut-il considérer que la position péremptoire de la Chambre commerciale met fin à toute controverse ?

Certes, l’affirmation selon laquelle la convention de compte-courant est une convention réglementée apparaît pour la première fois dans la jurisprudence de la Cour de cassation. Cependant, l’arrêt n’est pas un arrêt de principe. Il est rendu par une formation restreinte. Au surplus il s’agit d’un simple obiter dictum,  d’un « soit-dit en passant ».

Faut-il le lire comme soumettant à la procédure des conventions réglementées toute convention de compte-courant ?

C’est la conclusion de certains commentateurs3. Auquel cas il faut systématiquement dérouler la procédure. Faut-il au contraire considérer que si la convention est en principe réglementée, la procédure ne s’applique pas lorsqu’ elle est courante et conclue à des conditions normales ? Il nous semble plus raisonnable de choisir cette deuxième interprétation. Mais alors objecterons certains, quand pourra-t-on parler de convention courante ? Peut-être dans le cas où ces conventions sont coutumières dans une société ou dans un groupe de sociétés.

Plus délicate est la question de savoir si le fait que la possibilité d’en faire usage ait été prévu par les statuts leur confère ce caractère courant. L’idée a été émise en doctrine et plus ou moins reprise par la CNCC dans son guide de 2014. « L’ouverture d’un compte courant à un administrateur et la fixation des modalités de fonctionnement dudit compte ne constituent pas des conventions réglementées lorsqu’elles sont prévues par les statuts »4. L’arrêt pourrait sembler remettre en cause cette position qui nous paraît pourtant fondée.

Par ailleurs, s’agissant des conditions normales, c’est de la rémunération du compte dont il s’agit. Dès lors que l’avance en compte est rémunérée dans des conditions moins onéreuses qu’un prêt bancaire, est-on dans des conditions normales ? On peut assez facilement l’admettre dans les groupes au nom de l’intérêt du groupe. Mais hors groupe, la question se pose. Tout dépend sans doute de l’importance de l’écart avec le taux bancaire moyen à la même époque.

On le voit, l’arrêt du 21 avril n’a sans doute pas clos un débat qui ne doit pas à notre sens être arbitré de manière trop dogmatique. Cet arrêt a été rendu en formation restreinte et n’a été promis à aucune publication. Signes qu’il ne doit peut-être pas être pris au pied de la lettre ?


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1 Rep.min, n° 37140, JOAN mars 1981, p 1028

2 Cass.com 21 avril 2022, n° 20-11.850 F-D

3 BRDA 12/22, n°1

4 CNCC Les conventions réglementées et courantes,  p 13


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