• Becky Seidler, Author |
5 minutes de lecture

Ce billet a été rédigé en collaboration avec Nishitha Parial, qui a depuis quitté KPMG au Canada.

Les attentes à l'égard des pratiques environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) des entreprises ne cessent d'évoluer. Les investisseurs exercent de plus en plus de pression à la baisse sur les sociétés de leur portefeuille; les fournisseurs imposent des exigences en matière d'ESG à leurs approvisionneurs; les employés recherchent de plus en plus des employeurs qui partagent leurs valeurs personnelles; et les clients modifient leur comportement en faveur d'idéaux ESG. Parallèlement, les sociétés elles-mêmes prennent de plus en plus d'engagements audacieux par rapport aux facteurs ESG (la « carboneutralité» d'ici une année donnée en est un exemple), dont certains sont liés à la rémunération des hauts dirigeants. Combinées à un milieu de normalisation, de réglementation et de contrôle interne en constante évolution, ces pressions peuvent créer un terreau fertile à de potentielles fraudes et fausses déclarations dans les produits et l'information ESG mis de l'avant par les entreprises.

Plutôt nouvelle, l'expression ESG washing (« blanchiment ESG ») a été utilisée pour décrire l'exagération de certaines sociétés quant à leurs efforts et initiatives en matière d'ESG afin de faire bonne impression auprès des investisseurs, des consommateurs, des employés et d'autres parties prenantes lorsque l'essence même des gestes annoncés ne répond à aucune norme objective.

Voici une présentation de la terminologie liée aux différents types de blanchiment ESG qui est apparue au cours des dernières années (remarque : cette terminologie n'est pas officielle et peut varier selon la personne qui l'utilise) :

  • L'écoblanchiment (greenwashing): Ce terme est probablement le plus connu d'entre tous. Les environnementalistes l'utilisent depuis les années 80 pour dénoncer des politiques et des résultats environnementaux d'entreprises qui sont inférieurs aux normes. Il fait référence à la pratique consistant à tromper ou à désinformer les intervenants et le public au sujet de l'impact environnemental de l'organisation et/ou de ses initiatives en environnement. Un exemple courant : en gestion hôtelière, on suggère parfois à la clientèle de s'abstenir de remplacer ses serviettes tous les jours en évoquant un acte de gérance environnementale. Mais le fait de ne pas renouveler les serviettes d'une chambre d'hôtel sauve-t-il réellement l'environnement ou ne permet-il que de réduire les coûts d'exploitation?

    « L'écoblanchiment relatif au carbone » est une forme plus détaillée de l'écoblanchiment qui porte précisément sur les assertions inexactes d'une entreprise quant à la réduction de ses émissions de carbone. Ainsi, une organisation surestime la réduction réelle des émissions de carbone, les crédits de carbone achetés ou une combinaison des deux.
  • Le blanchiment bleu (bluewashing): On retrouve le plus souvent cette expression dans deux contextes ESG précis :
    • Lorsque des initiatives d'aménagement du littoral, de développement des océans et de mise en valeur des mers – qu'elles soient dirigées par le secteur public ou privé – n'offrent que peu ou pas d'avantages durables et peuvent plutôt causer des dommages aux milieux aquatiques. Prenons l'exemple de la pisciculture et de l'aquaculture où, afin d'empêcher la surpêche des stocks de poissons sauvages, les poissons et les fruits de mer sont élevés dans un environnement contrôlé plutôt que d'être récoltés en milieu naturel. Ces élevages ont entraîné d'autres formes de pollution, comme les fuites chimiques, la transmission de maladies aquatiques, l'introduction d'espèces envahissantes, la surpêche des stocks naturels pour nourrir les espèces carnivores en élevage, et plus encore.
    • Lorsque des entreprises qui ont signé le Pacte mondial des Nations Unies, un accord non contraignant invitant à suivre dix principes sur l'éthique et le développement durable des entreprises, font la promotion de cet engagement aux parties prenantes sans réellement adhérer à ses principes.

Plusieurs formes de « blanchiment social » (social washing) sont également apparues relativement à des activités non sincères liées aux facteurs ESG. Elles surviennent lorsque des organisations se présentent comme étant socialement responsables et engagées, surtout dans le contexte du capital humain (par exemple, les droits du travail, les droits de la personne et l'égalité), alors qu'en réalité, leurs pratiques internes ne respectent pas ces valeurs. En voici quelques exemples :

  • La diversité de façade (rainbow washing): Il s'agit d'une pratique visant à prétendre soutenir et parrainer la communauté 2SLGBTQIA+ même si, en pratique, l'organisation déploie peu d'efforts pour assurer la protection contre la discrimination, les préjugés ou le harcèlement envers ses employés appartenant à ce groupe. Par exemple, au cours du mois de la fierté gaie en juin, de nombreuses sociétés apportent des contributions ou commanditent des défilés. Toutefois, ces mêmes sociétés peuvent également ne prendre que peu de mesures visant à soutenir les communautés ou les employés 2SLGBTQIA+ au cours du reste de l'année.

    Le « maquillage en rose » (pinkwashing) quant à lui désigne les entreprises qui utilisent les rubans roses associés à la sensibilisation au cancer du sein pour promouvoir leurs produits, alors qu'elles ne sont pas vraiment transparentes par rapport au lien qui les lie aux produits causant cette maladie.
  • Le blanchiment féministe (purplewashing): On utilise cette expression lorsque des organisations tentent délibérément de faire appel à la diversité et à l'inclusion des femmes pour détourner les regards de leurs pratiques internes qui pourraient être incompatibles avec ce message. Les entreprises qui mènent des campagnes pour l'égalité des genres, mais dont la haute direction est principalement ou entièrement composée d'hommes, en sont un exemple frappant.
  • Le blanchiment relatif aux communautés noire, autochtone et de couleur (brownwashing): Il s'agit de situations où les sociétés créent une image publique de soutien envers les membres des communautés noire, autochtone ou de couleur, tout en déployant peu d'efforts pour protéger contre la discrimination, les préjugés ou le harcèlement leurs propres employés appartenant à ces groupes.
  • Le blanchiment des initiatives autochtones (redwashing): Ce terme renvoie à des organisations (qu'il s'agisse de sociétés ou de gouvernements) qui démontrent publiquement leur appui aux initiatives autochtones afin de détourner l'attention du public de leurs activités comme la contamination de l'environnement ou l'appropriation forcée des droits fonciers et relatifs à l'eau.

Enfin, le terme blanchiment désigne la tentative d'une société de couvrir ses scandales par des enquêtes qui sont menées avec un minimum d'effort et/ou qui présentent des données partiales.

Bien que de nombreuses organisations n'attendent pas de se faire passer un savon pour accomplir des progrès positifs en ce qui concerne les pratiques ESG, les parties prenantes doivent demeurer vigilantes face aux risques de fraude pouvant compromettre des initiatives honnêtes. Dans les prochains billets de blogue, nous examinerons comment les organisations peuvent éviter les risques de fraude liés aux facteurs ESG, les détecter et y réagir.

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