L’arrêté royal du 11 septembre 2022 modifiant le code du bien-être au travail concernant le trajet de réintégration pour les travailleurs en incapacité de travail a été adopté dans le but notamment d’accélérer leur retour au travail. Depuis le 1er octobre 2022, il convient d’appliquer les modifications mise en place par cet arrêté concernant le devoir d’information, le trajet de réintégration en lui-même et la politique collective de réintégration.

Un contact très tôt avec le travailleur

Désormais, le conseiller en prévention-médecin du travail et son personnel infirmier ont un devoir d’information à l’égard du travailleur en incapacité de travail de 4 semaines ou plus. Ils doivent en effet aussi rapidement que possible informer le travailleur des possibilités de reprise du travail, y compris la possibilité de demander une visite de pré-reprise du travail ou d'entamer un trajet de réintégration. Cette information peut également être faite par l’employeur directement aux travailleurs. 

Le trajet de réintégration du travailleur lorsque le travail convenu ne peut plus être effectué temporairement ou définitivement

Pour rappel, le trajet de réintégration a pour but de promouvoir la réintégration du travailleur qui ne peut plus effectuer le travail convenu, et ce de manière temporaire ou définitive en cherchant un travail adapté ou un autre travail.

Remarques générales : 

  • Le trajet de réintégration est désormais possible suite à un accident de travail ou à une maladie professionnelle mais seulement lorsque l’incapacité de travail temporaire a cessé.
  • L’arrêté royal précise que l'employeur est tenu de rappeler régulièrement aux travailleurs qu’ils peuvent se faire assister par un représentant des travailleurs au sein du Comité pour la prévention et la protection au travail ou, à défaut, par un représentant syndical de leur choix, tout au long du trajet de réintégration.

a) Demande d’élaboration du projet de réintégration

Contrairement à l’ancien régime, le médecin-conseil de la mutualité n’est plus autorisé à faire une demande d’élaboration du projet de réintégration. Les demandes peuvent émaner :  

  • Du travailleur : peut faire une demande auprès du conseiller en prévention-médecin du travail à partir du premier jour de son incapacité de travail ;
  • Du médecin traitant : si le travailleur y consent ;
  • De l’employeur : après une période ininterrompue de 3 mois (4 mois auparavant) d’incapacité de travail ou à partir du moment où le travailleur procure une attestation d’incapacité définitive à effectuer le travail convenu.  L’arrêté royal précise notamment qu’une reprise de travail de moins de 14 jours n’interrompt pas la période 3 mois.

b) Analyse de la demande

  • Absence de réaction du travailleur suite à l’invitation à une évaluation (nouveau)

    Le conseiller en prévention-médecin du travail invite le travailleur à une évaluation de réintégration et doit, avec l’employeur, fournir les efforts nécessaires pour que l’invitation parvienne au travailleur. Le nouvel arrêté royal règle désormais le cas de l’absence de réaction du travailleur : si le travailleur n’accepte pas l’invitation ou qu’il n’y répond pas après avoir été invité 3 fois, et ce avec un intervalle d’au moins 14 jours entre chaque invitation, le trajet de réintégration prend fin.
    Le Code du bien-être au travail ne prévoit pas de sanction spécifique dans le cas où un travailleur ne répondrait pas après 3 invitations. L’arrêté royal n’a pas apporté de précision en sens. Toutefois, le Code du bien-être au travail prévoit que l'employeur et les travailleurs collaborent au bon déroulement du trajet de réintégration afin de promouvoir les possibilités de réussite de la réintégration. Si le travailleur refuse sans raison valable de collaborer au bon déroulement du trajet de réintégration, l’employeur pourrait envisager, sur base de cet article, de le mettre en demeure de collaborer et pourrait par la suite, en tentant compte des circonstances de fait, le licencier.

  • Mise en avant du rôle des autres acteurs (nouveau)

    En vue de l’évaluation de la réintégration et pour autant que le travailleur y consent, le conseiller en prévention-médecin du travail peut se concerter avec le médecin traitant du travailleur ou le médecin qui a établi le certificat médical, le médecin conseil, d’autres conseillers en prévention ou encore d’autres personnes qui peuvent contribuer à la réussite de la réintégration.  Il peut également se concerter avec l’employeur si cette demande émane expressément du travailleur. Si nécessaire le conseiller-médecin du travail examine le poste de travail et peut se faire assister par d’autres conseillers en prévention qui possèdent une expertise spécifique (ex : risques psychosociaux au travail).

c) Décisions du conseiller en prévention-médecin du travail

  • Simplification des décisions (3 types de décisions - au lieu de 5 auparavant)

Contrairement à l’ancien régime, ce n’est plus 5 types de décision mais 3 que le conseiller en prévention-médecin du travail peut rendre (décision A, B et C) :

Décision A (ancienne décision A) : le travailleur est temporairement inapte à effectuer le travail convenu mais il peut effectuer un travail adapté ou un autre travail (pour lesquelles le conseiller en prévention-médecin du travail décrit les conditions et modalités auxquelles il doit répondre).

Décision B (ancienne décision C) : Le travailleur est définitivement inapte à effectuer le travail convenu mais il peut effectuer un travail adapté ou un autre travail (pour lesquelles le conseiller en prévention-médecin du travail décrit les conditions et modalités auxquelles il doit répondre). Cette constatation fait l’objet d’une justification médicale qui est incluse dans le dossier. Le travailleur peut introduire un recours par voie recommandée dans un délai de 21 jours calendriers (au lieu de 7 jours ouvrables) à compter du lendemain du jour de la réception de la décision au médecin inspecteur social compétent de la direction générale C.B.E. et à l’employeur.

Décision C (ancienne décision E) : pour des raisons médicales, il est impossible pour le moment de procéder à une évaluation de la réintégration donc le trajet de réintégration prend fin. Au plus tôt 3 mois après la notification de fin du trajet de réintégration, le trajet peut être relancé sauf si le conseiller en prévention-médecin du travail a de bonnes raisons de dévier de ce délai.

Les anciennes décisions B (le travailleur est temporairement inapte à effectuer le travail convenu et il ne peut, entre temps, effectuer un autre travail ou un travail adapté) et D (le travailleur est définitivement inapte à reprendre le travail et il ne peut effectuer un autre travail ou un travail adapté) n’existent plus depuis le 1er octobre.

  • Délai pour prendre la décision

À compter du lendemain du jour ou le conseiller en prévention-médecin du travail reçoit la demande de réintégration et au plus tard dans un délai de 49 jours calendrier (40 jours ouvrables auparavant) l’évaluation de la réintégration doit être effectuée.  

d) Renforcement des obligations de l’employeur

Désormais, l’employeur doit examiner les possibilités concrètes de travail adapté ou d'un autre travail et/ou d'adaptations du poste de travail, en tenant compte, dans la mesure du possible, des conditions et modalités déterminées par le conseiller en prévention-médecin du travail, du cadre collectif sur la réintégration et, le cas échéant, du droit à un aménagement raisonnable pour les personnes handicapées.

Il doit ensuite élaborer un plan de réintégration adapté à l'état de santé et au potentiel du travailleur. L’employeur a un délai de :

  • Pour la décision A : maximum 63 jours calendriers (50 jours ouvrables auparavant) à compter du lendemain du jour où il reçoit l’évaluation ;
  • Pour la décision B : maximum 6 mois (12 mois auparavant) à compter du lendemain du jour où il reçoit l’évaluation. 

S’il n’a pas établi de plan de réintégration, l’employeur est tenu d’établir un rapport motivé dans lequel il explique pourquoi cela est techniquement/objectivement impossible, ou que cela ne peut être exigé pour des motifs dûment justifiés. Maintenant, l’employeur doit également démontrer qu’il a effectivement analysé et ce de manière sérieuse des possibilités d’adaptation.

Enfin, dans le cadre de la politique collective de réintégration, l’arrêté royal précise que l'employeur doit lui aussi fournir annuellement au comité pour la prévention et la protection au travail les éléments globalisés et anonymisés des plans de réintégration et des rapports motivés. 

e) Décision du travailleur quant au plan proposé

Le travailleur dispose d’un délai de 14 jours calendrier (5 jours ouvrables auparavant) à compter du lendemain du jour où il reçoit le plan de réintégration pour marquer son accord ou non :

  • s’il accepte, l’employeur doit remettre au conseiller en prévention-médecin du travail le plan de réintégration accepté ;
  • s’il refuse, il doit motiver son refus. L’employeur doit ensuite remettre au conseiller en prévention-médecin du travail le plan de réintégration refusé ;
  • s’il ne réagit pas, l’employeur doit le contacter. L’absence de réaction sera considérée comme un refus et l’employeur doit alors remettre au conseiller en prévention-médecin du travail le plan de réintégration refusé (nouveau).

Mesure transitoire ?

L’arrêté royal n’a pas prévu de mesure transitoire. Les changements apportés s’appliquent aux trajets de réintégration qui sont en cours.  L’arrêté royal a également introduit une procédure spécifique relative à la fin du contrat de travail pour cause de force majeure médicale. Le trajet de réintégration et la rupture pour force majeure médicale seront donc dissociés à l’avenir. Nous vous informerons de la procédure à suivre dès son entrée en vigueur.

 

Auteurs : Isabelle Timmerman,  Sr. Counsel KPMG Law, Emilie Mercenier, Sr. Associate KPMG Law & Stelina Pashaj; Attorney KPMG Law