"Ma vraie gloire n'est pas d'avoir gagné quarante batailles ; Waterloo effacera le souvenir de tant de victoires. Ce que rien n'effacera, ce qui vivra éternellement, c'est mon code civil!".

C’est en ces termes que se serait exprimé Napoléon Bonaparte…

S’il ne fait aucun doute que le Code napoléonien marquera à jamais l’Histoire du droit civiliste, sa pérennité au sein du système de droit belge s’est toutefois trouvée largement ébranlée, notamment récemment lorsque le législateur belge s’est décidé à procéder à une refonte intégrale du droit des obligations.

Contrairement à ce que vous pourriez imaginer, cette réforme ne participe cependant pas d’une révolution fondamentale de notre droit dans la mesure où une large proportion de cette réforme ne constitue en réalité qu’une codification des enseignements de la jurisprudence et de la doctrine belge.

Nous vous présentons toutefois ici quelques nouvelles règles importantes à connaître impérativement, et qui seront désormais d’application à compter du 01/01/2023 :

Responsabilité pour faute précontractuelle

Avez-vous déjà subi les revers d’une négociation qui se termine mal à cause du comportement d’une partie peu scrupuleuse à votre égard ?

Sachez désormais que ce comportement est aujourd’hui prohibé par le nouvel article 5.17 du Code civil. Ainsi, si une partie rompt fautivement les négociations ou viole son devoir d’information, celle-ci sera désormais redevable envers la partie lésée d’une indemnité couvrant les frais engagés (devenus inutiles) et la perte de l’opportunité de conclure le contrat visé.

S’il s’avère par ailleurs que la partie lésée était légitimement confiante par rapport à la conclusion prochaine dudit contrat, celle-ci pourra en outre réclamer la réparation de la perte des avantages nets attendus du contrat non conclu ; ce qui n’est bien entendu pas négligeable !

A noter : que seuls les dommages ayant un lien de causalité avec la rupture fautive des négociations entrent en considération pour l’indemnisation (par conséquent des dépenses qui auraient été exposées en toute hypothèse ne sont pas susceptibles d’indemnisation).

Conflits entre conditions générales contradictoires

Sans doute êtes-vous déjà familier avec cette problématique : un fournisseur envoie ses conditions générales de vente et son client lui adresse en retour ses conditions générales d’achat. Problème : ces deux jeux de conditions se contredisent.

Que faire dans un tel cas ? 
Le nouvel article 5.23 du Code civil règle cet incident et précise que dans un tel cas, les deux ensembles de conditions générales s’appliqueront à l’exception des clauses incompatibles, lesquelles s’annulent mutuellement.

Très important à noter : si vous ne voulez absolument pas courir le risque de devoir renoncer à l’application de (tout ou partie) de vos conditions générales, vous devrez en ce cas le signifier expressément à votre (futur) cocontractant avant la conclusion du contrat ; étant précisé qu’une simple déclaration en ce sens dans les conditions générales ne suffira pas!

Le changement de circonstances

C’est le grand sujet « tendance » de ces derniers mois : que faire en cas de changements de circonstances tels que le contrat s’en trouve économique profondément déséquilibré (par exemple, en cas de hausse subite et imprévisible du prix des matières premières) et devient pour une partie extrêmement compliqué -mais pas impossible- à honorer ? 

Jusqu’à présent, et sauf exceptions particulières (en cas d’application d’une clause d’imprévision (« hardship ») ou de la Convention de Vienne sur les ventes internationales de marchandises) cette partie lésée ne pouvait se prévaloir de la force majeure et était contrainte de s’en remettre au droit commun et à ses « maigres » solutions, pas toujours efficaces ni satisfaisantes.

Désormais, le nouvel article 5.74 du Code civil consacre la théorie de l’imprévision et permet dans un tel cas et sous certaines conditions, à la partie lésée de solliciter une renégociation du contrat visé. A défaut d’accord entre les parties dans un délai raisonnable, le juge pourra soit adapter soit mettre fin à tout ou partie du contrat, le cas échéant avec effet rétroactif.

À noter : il est tout à fait possible d’exclure l’application de cette nouvelle disposition consacrant l’imprévision ou d’aménager ses conditions par le biais d’une clause dite de « hardship ».

La résiliation anticipée

Imaginez un instant que votre cocontractant faillisse gravement à ses obligations, au point que vous n’envisagiez plus de poursuivre l’exécution du contrat que vous aviez conclu avec ce dernier.

Sous l’ancien régime, vous disposiez alors de 2 possibilités : (1) soit, votre contrat contenait une clause résolutoire expresse que vous pouviez mettre en œuvre sous réserve du respect de ses conditions (2) soit, dans le cas contraire, vous deviez solliciter la résolution du contrat en justice, avec tous les graves inconvénients que ceci représentait (extrême lenteur, frais considérables, etc.).

Grâce au nouvel article 5.90 du Code civil, il sera dans un tel cas désormais possible pour la partie lésée de procéder à la résolution du contrat en cause par simple notification écrite, sans recours préalable au juge et ce, même en l’absence d’une clause résolutoire !

À noter : cette résolution se fait aux « risques et périls » du créancier, ce qui implique que ce dernier courra le cas échéant toujours le risque qu’un juge considère sa résolution fautive (si le juge considère que les manquements du cocontractant visé ne sont pas suffisamment « graves ») (avec toutes les conséquences que ceci impliquerait s’il échet). Il est à cet égard recommandé de faire précéder sa notification de résolution par une mise en demeure et de prendre toutes les mesures utiles pour constater les défaillances de son cocontractant, ce qui permettra un contrôle judiciaire éventuel plus aisé.

 

Vous souhaitez en savoir plus sur ces nouvelles règles ou vous souhaitez que nous vous aidions à naviguer à travers cette nouvelle réforme pour protéger au mieux vos droits ? N’hésitez pas le cas échéant à nous contacter, nous nous ferons un plaisir de vous assister !

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Auteurs: Kenza Mellouk, Sr. Associate KPMG Law & Arthur Lahousse, Sr. Counsel KPMG Law