À ce jour, la coopération entre les autorités fiscales des États membres pour lutter contre la fraude à la TVA se fonde généralement sur les registres tenus et les déclarations déposées par les entreprises impliquées directement dans l'opération imposable. Que ce soit dans le cadre d’opérations frauduleuses ou, par exemple, de livraisons ou prestations transfrontalières entre les entreprises et les consommateurs, caractéristiques du commerce électronique, il est possible que ces informations ne soient pas immédiatement disponibles. De nouveaux instruments sont donc nécessaires pour permettre aux autorités fiscales de lutter efficacement contre la fraude à la TVA.

Lorsqu'un consommateur effectue un achat transfrontalier en ligne au sein de l'Union, le paiement se traite dans la très grande majorité des cas par l'intermédiaire de prestataires de services de paiement. Pour fournir ces services, ces tiers détiennent des informations spécifiques sur l'identité du destinataire (ci-après dénommé "bénéficiaire"), sur la date, le montant et sur l'État membre d'origine du paiement. Les autorités fiscales ont besoin de ces informations pour remplir leurs missions essentielles, notamment détecter les entreprises qui fraudent et déterminer la TVA exigible pour les livraisons ou prestations transfrontalières entre les entreprises et les consommateurs. 

Le 18 février 2020, le Conseil a par conséquent adopté une directive (2020/284) visant à demander aux prestataires de services de paiement de transmettre des informations sur les paiements transfrontaliers provenant des États membres ainsi que sur les bénéficiaires de ces mêmes paiements. Afin d'atteindre l'objectif consistant à lutter plus efficacement contre la fraude à la TVA, un système électronique central regroupant les informations sur les paiements (CESOP) sera mis en place.

Ainsi, les États membres devront transmettre les informations sur les paiements au plus tard à la fin du mois suivant le trimestre civil auquel se rapportent lesdites informations. Celles-ci seront collectées au moyen d’un formulaire électronique type et seront stockées au niveau national.

Ensuite, ces informations seront centralisées dans une base de données européenne, le Central Electronic System of Payment information (CESOP), où elles seront stockées, agrégées et recoupées avec d'autres bases de données européennes.

Ainsi, le CESOP fournira une vue d'ensemble des paiements reçus par les bénéficiaires et faits par des payeurs se trouvant au sein de l’Union. Il sera par la suite mis à disposition des fonctionnaires de liaison du réseau Eurofisc afin de leur permettre d'effectuer des recherches pour les besoins d'une enquête sur un cas présumé de fraude à la TVA ou de détecter une telle fraude.

Les mesures introduites par la directive respectent bien entendu les règles de protection des données. Seules les informations relatives aux paiements susceptibles d'être liés à une activité économique sont transmises aux autorités fiscales. Les informations relatives aux consommateurs et au motif du paiement ne sont, quant à elles, pas transmises. En outre, seuls les fonctionnaires de liaison Eurofisc ont accès aux informations sur les paiements stockés dans le CESOP et, ce, dans le but exclusif de lutter contre la fraude à la TVA. Bien que ces informations pourraient être utilisées pour déterminer, outre l'assiette de la TVA, d'autres prélèvements, droits et taxes, comme le prévoit le règlement (UE) n° 904/2010, elles ne peuvent servir à d'autres fins, notamment commerciales.

Dans le but de mettre en œuvre la proposition, la Commission européenne collaborera avec les administrations fiscales des États membres et les prestataires de services de paiement au sein d'un groupe d'experts. Celui-ci jouera un rôle primordial, d’une part, dans la mise en œuvre des obligations de déclaration pour les prestataires de services de paiement et, d’autre part, dans le développement du CESOP.

Les États membres devront adopter et publier les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive mentionnée supra au plus tard le 31 décembre 2023.

La transmission effective des données aura lieu dès le 1er janvier 2024.

Prestataires et services de paiement visés

La transmission des informations par les prestataires de services de paiement n’est obligatoire que dans le cas des bénéficiaires qui reçoivent plus de 25 paiements transfrontaliers au cours d'un trimestre civil.

Un "prestataire de services de paiement" se définit comme suit :

  • Tout établissement de crédit tel que défini à l'article 4, paragraphe 1, point 1), du règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil ;
  • Les établissements de monnaie électronique au sens de l'article 2, point 1), de la directive 2009/110/CE ;
  • Les offices de chèques postaux qui sont habilités par le droit national à fournir des services de paiement ;
  • Les établissements de paiement au sens de la directive 2007/64/CE.

Maintien de registres détaillés

Dans le cadre de la mise en place du CESOP, les États membres exigent des prestataires de services de paiement le maintien de registres pour conserver les traces détaillées des bénéficiaires et des paiements.

Ces registres sont sauvegardés par le prestataire sous forme électronique pendant une période de trois années civiles à compter de la fin de l'année civile de la date du paiement.

Comme mentionné supra, lesdits registres sont mis à la disposition de l'État membre d'origine1 du prestataire de services de paiement, ou des États membres d'accueil lorsque le tiers est actif dans des États membres autres que celui d'origine.

Enfin, les rapports générés comporteront des mentions obligatoires telles qu’énumérées à l’article 243d de la directive 2020/284 :

  • Concernant le prestataire de services de paiement : le code BIC ou tout autre code d'identification d'entreprise qui l’identifie sans ambiguïté ;
  • Concernant le bénéficiaire : le numéro d'identification TVA ou tout autre numéro fiscal national, si disponible, le nom ou la raison sociale, l'IBAN, l'adresse, le numéro d'identification TVA ou tout autre numéro fiscal national s'il est disponible ;
  • Concernant le paiement : le montant, la date, la devise, le bénéficiaire, le pays...

Repenser les processus

L'adoption du nouveau paquet législatif conduira probablement, pour les prestataires de services de paiement, à une refonte de certains processus.

Le secteur financier n'a jamais connu de transfert spontané et systématique des données concernant ses clients. Or l’échange des données détaillées exigées en vertu de ladite directive européenne impliquera non seulement une déclaration automatique, mais également un changement organisationnel potentiel dans le formatage interne de celles-ci.

En effet, les prestataires seront non seulement tenus de communiquer des données individuelles au lieu de données agrégées, mais également d'exclure les transactions nationales, d'identifier les bénéficiaires dans le reporting, d'intégrer le seuil de 25 paiements…

La directive impose donc une importante charge de travail supplémentaire dans le chef des acteurs du secteur.

Assistance KPMG

KPMG se tient prêt à assister les grandes institutions financières et nouveaux acteurs fintech pour les aider à se conformer à cette législation. En effet, certaines problématiques récurrentes ont déjà été mentionnées, notamment :

  • Le manque de clarté (relatif aux responsabilités, aux concepts…) ;
  • L’hypothèse des données manquantes ou à tout le moins illisibles ;
  • Les difficultés de détermination du dépassement du seuil de 25 transactions ;
  • L’absence de norme de déclaration uniforme.

Auteurs : Noura Charaf, Tax Adviser et Benoît Pernet, Indirect Tax Partner

 

 

1. Par "État membre d’origine", il faut lire « … l’un des États membres suivants : a) l’État membre dans lequel le siège statutaire du prestataire de services de paiement est situé ; ou b) si, conformément à son droit national, le prestataire de services de paiement n’a pas de siège statutaire, l’État membre dans lequel son administration centrale est située (Art. 4 Directive EU 2015/2366).