Une proposition de loi a été récemment déposée devant le Parlement belge en vue de rendre obligatoire l’enregistrement des donations mobilières passées devant un notaire étranger. Et là il y beaucoup à dire, principalement en raison de la tournure que prennent certaines communications : une donation à l’étranger serait une « échappatoire fiscale honteuse », qui selon certains serait même inscrite dans la loi à la demande de conseillers fiscaux et de banquiers, et auquel il doit être mis fin de manière urgente. L’enregistrement de la donation auprès de l’administration fiscale a en effet pour effet que des droits de donation sont dus. Ainsi, réaliser une donation exonérée d’impôt devant un notaire étranger pourrait bientôt faire partie du passé.

Pour les donateurs qui vivent en Belgique, cela signifierait concrètement qu’une donation réalisée devant par exemple un notaire hollandais, français ou suisse ne leur apporterait plus aucun avantage fiscal immédiat.

Quel est le système actuel ?

Pour savoir si une donation en Belgique est soumise ou non aux droits de donation, il faut se demander si la donation a été enregistrée ou non auprès de l’administration fiscale.

L’enregistrement est légalement obligatoire pour chaque donation passée devant un notaire belge, qu’il s’agisse d’une donation immobilière ou mobilière telle que de l’argent, des actions ou des œuvres d’art. Le donateur ou le donataire n’ont pas besoin de faire quoi que ce soit ; c’est le notaire qui doit faire le nécessaire pour enregistrer son acte.

La donation mobilière ne doit pas se faire obligatoirement devant un notaire belge. La loi actuelle ne prévoit tout simplement pas cette obligation. La donation de biens mobiliers peut donc être valablement passée devant un notaire étranger ou, dans certains cas, même sans l’intervention d’un notaire, comme cela peut être le cas pour un don manuel ou une donation indirecte par virement bancaire. Un notaire étranger n’a évidemment pas l’obligation de faire enregistrer son acte auprès de l’administration fiscale belge compétente. Il en va de même pour les documents sous seing privé qui sont souvent établis en vue de confirmer le don manuel ou bancaire ; ceux-ci ne doivent pas non plus être obligatoirement enregistrés. Pourtant, il peut être opportun de faire enregistrer ces donations ultérieurement sur une base volontaire auprès de l’administration fiscale.

Le fait de faire enregistrer ou non des donations de biens mobiliers a en effet une conséquence fiscale différente.

Lorsque la donation est enregistrée – obligatoirement ou volontairement – des droits de donation sont dus. En Région wallonne, le taux s’élève à 3,3% pour une donation en ligne directe, entre époux et entre cohabitants légaux et à 5,5% pour une donation entre toutes autres personnes. En Région de Bruxelles-Capitale, le taux s’élève à 3% pour une donation en ligne directe, entre époux et entre cohabitants légaux et à 7% pour une donation entre toutes autres personnes. La donation d’une entreprise familiale peut même se faire en exonération des droits de donation dans les deux régions pour autant que toutes les conditions prévues à cet effet soient remplies.

L’enregistrement a pour effet immédiat que les droits de succession ne peuvent en principe plus être prélevés sur la donation mobilière, même si le donateur venait à décéder dans les trois ans suivant la donation.

Si l’acte de donation passé à l’étranger ou si les documents sous seing privé précités ne sont pas enregistrés auprès de l’administration fiscale, alors aucun droit de donation n’est dû au moment de la donation. Toutefois, à compter de la date de la donation commence à courir un délai d’attente de trois ans. Si le donateur venait à décéder dans les trois ans, des droits de succession plus élevés que les droits de donation seront dus sur la valeur des biens donnés. En Région wallonne, le taux des droits de succession va jusqu’à 30% au-delà de 500.000 euros en ligne directe, entre époux et entre cohabitants légaux et par exemple jusqu’à 80% au-delà de 75.000 euros entre toutes autres personnes. En Région de Bruxelles-Capitale, le taux des droits de succession va jusqu’à 30% au-delà de 500.000 euros en ligne directe et entre partenaires et par exemple jusqu’à 80% au-delà de 175.000 euros entre toutes autres personnes.

Pour la donation d’une entreprise familiale devant un notaire étranger, le délai d’attente de trois ans est porté à sept ans en région flamande. Si le donateur décède dans le délai de trois ou sept ans selon la région où le défunt réside, des droits de succession sont dus.

Si le donateur décède après trois ans ou sept ans, les droits de succession ne sont pas dus sur les biens donnés de sorte que la donation reste ainsi entièrement exempte d’impôt. Dans l’accord du gouvernement flamand, il a d’ailleurs été convenu à cet égard de prolonger le délai d’attente de trois ans à quatre ans. Selon les dernières nouvelles, ce délai prolongé de quatre ans ne s’appliquerait que pour les donations non enregistrées à partir du 1er janvier 2021. A Bruxelles et en Wallonie, il n’est pas encore question à ce jour de prolonger le délai de trois ans.

Le(s) donateur(s) et le(s) donataire(s) doivent donc faire un choix : soit ils ne prennent aucun risque successoral et paient immédiatement les droits de donation aux taux réduits, soit ils ne paient pas de droits de donation et prennent ainsi le risque que des droits de succession plus élevés soient dus dans le cas où le donateur viendrait à décéder dans les trois/quatre ans. Si, par exemple, le donateur devait tomber gravement malade au cours des trois/quatre premières années et que, partant, le terme du délai d’attente risquait de ne pas être atteint, l’acte de donation étranger ou les documents de donation peuvent encore être enregistrés de manière volontaire pendant la vie du donateur en payant les droits de donation aux taux réduits. Ainsi, le risque successoral est immédiatement écarté: payer 3%/3,3% ou 5,5%/7% afin d’éviter jusqu’à 30% voire même 80%.

Dans la pratique, le principal risque est souvent celui d’un décès inopiné durant le délai d’attente, lequel est d’ailleurs souvent couvert par la souscription d’une assurance risque-décès.

Qu’est-ce qui changerait ?

La nouvelle proposition de loi vise à rendre obligatoire l’enregistrement des actes de donation notariés étrangers, ce qui a pour effet que les droits de donation de 3%/3,3% ou de 5,5%/7% seraient aussi dus sur ces donations (ou, à certaines conditions, une exemption dans le cas de la donation d’une entreprise familiale). Le choix entre l’enregistrement volontaire avec paiement des droits de donation ou de laisser courir le délai d’attente deviendrait donc caduc. Dans l’exposé des motifs de la proposition, il est fait expressément référence à la fermeture de la « route du fromage » via un notaire hollandais. Cependant, la nouvelle obligation porterait également sur les donations devant un notaire français ou suisse, par exemple, auquel il est également recouru dans la pratique.  

En l’absence de disposition contraire dans la proposition, l’acte de donation étranger devrait en principe être enregistré dans les 15 jours auprès de l’administration fiscale belge. Le texte actuel de la proposition de loi ne prévoit cependant pas à qui incombe cette obligation d’enregistrement de l’acte de donation étranger : le(s) donateur(s) ? le(s) donataire(s) ? les deux ? Ce point doit en tout état de cause être encore clarifié, sans quoi la nouvelle règle serait de facto inapplicable.

Qu’est-ce qui ne changerait pas ?

Les donations qui ne sont pas passées devant un notaire, telles qu’un don manuel, un don bancaire ou une donation indirecte comme une remise de dette, ne sont pas visées. Pour ces donations, le système actuel reste d’application.  

A partir de quand le nouveau régime s’appliquerait-il ?

Le texte actuel de la proposition de loi prévoit que la nouvelle obligation s’appliquerait à partir du dixième jour suivant la publication de la loi au Moniteur belge.

Bien qu’il ne soit pas certain que la proposition de loi recueille un soutien suffisant au sein du Parlement, nous ne pouvons l’exclure. Par conséquent, si un soutien suffisant devait être trouvé pour cette nouvelle proposition, l’entrée en vigueur dépendra principalement de la rapidité du processus parlementaire. Cela pourrait très bien être à relativement court terme….

Les donateurs qui envisagent donc de faire une donation mobilière et qui souhaitent pouvoir encore bénéficier du régime actuel ne doivent donc pas attendre trop longtemps pour agir.

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