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MODIFICATION DE LA LOI SAPIN 2 À LA SUITE DE LA DIRECTIVE EUROPÉENNE SUR LES LANCEURS D’ALERTE

La loi Sapin 2 de 20161 a créé un régime général de protection des lanceurs d’alerte, mais a été modifiée par une loi de 20222 à la suite d’une directive de 20193. Le résultat est un renforcement de la protection des lanceurs d’alerte, en particulier en élargissant les faits permettant une alerte, en permettant de saisir directement une autorité judiciaire, administrative ou ordinale et même le Défenseur des droits sans le préalable d’une alerte interne, et en protégeant mieux les lanceurs d’alerte contre les risques de représailles. Mais c’est aussi un élargissement notable des personnes protégées qui en résulte.

LANCEURS D’ALERTE PROPREMENT DITS

La loi initiale avait défini de manière relativement étroite le lanceur d’alerte, comme la « personne physique » qui signale « de manière désintéressée et de bonne foi » certains faits déterminés « dont elle a eu personnellement connaissance », mais avait ajouté - et ajoute toujours - que le signalement « est porté à la connaissance du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, de l’employeur ou d’un référent désigné par celui-ci », de sorte que le lanceur d’alerte, dans l’esprit de la loi Sapin 2, était en pratique un salarié.

La loi récente vient sensiblement élargir la cible, de deux manières. D’abord, de façon directe, elle n’impose plus que l’intéressé agisse de « manière désintéressée » mais seulement « sans contrepartie financière directe », ce qui est beaucoup moins exigeant car on passe d’une condition à une exception. Surtout, de façon indirecte, elle précise que lorsque les informations n’ont pas été obtenues dans le cadre d’une activité professionnelle, le lanceur d’alerte doit en avoir eu personnellement connaissance, d’où une extension potentielle du lanceur d’alerte protégé à bien d’autres personnes qu’un salarié, par exemple aux dirigeants, aux associés, aux collaborateurs occasionnels, aux sous-traitants, aux conseils extérieurs, aux clients, etc.

ENTOURAGE DU LANCEUR D’ALERTE

Mais la loi nouvelle va bien au-delà en étendant la protection du lanceur d’alerte à son entourage. Ainsi, bénéficient de la même protection trois catégories nouvelles de personnes.

Au premier chef, les « facilitateurs » : « toute personne physique ou toute personne morale de droit privé à but non lucratif qui aide un lanceur d’alerte » ; seront donc protégés les associations et syndicats qui aideront l’intéressé à procéder à un signalement, pourvu que celui-ci réponde aux conditions de régularité imposées à tout signalement. Sur ce point, la loi française va au-delà la directive qui définit plus étroitement les facilitateurs protégés en les limitant aux seules personnes physiques et uniquement à celles qui agissent dans un cadre professionnel. De même et plus largement, profitent de la même protection les « personnes physiques en lien avec le lanceur d’alerte, ..., qui risquent de faire l’objet de l’une des mesures [de représailles] dans le cadre de leurs activités professionnelles de la part de leur employeur, de leur client ou du destinataire de leurs services » ; sont donc désormais également protégés les collègues, les co-contractants et les conseils au sens large, dès lors, là encore, que l’alerte répond aux conditions de régularité imposées à tout signalement.

Enfin, entrent également dans le cercle des personnes protégées les « entités juridiques contrôlées, ..., par un lanceur d’alerte », la notion de contrôle étant celle applicable aux notifications de seuils et non celle régissant la consolidation des comptes, mais il faut que le lanceur d’alerte travaille pour cette entité ou soit en lien professionnel avec elle ; on imagine qu’il peut s’agir, par exemple, d’un associé, d’un sous-traitant ou d’un conseil de l’entreprise intervenant par l’intermédiaire d’une société personnelle.

EN CONCLUSION

Si l’on ajoute que le lanceur d’alerte est protégé contre les représailles sociales, civiles et pénales, et peut directement procéder à une alerte externe, l’extension notable de la notion confirme la volonté des pouvoirs publics de faciliter les alertes et donc d’y inciter. L’épée de Damoclès de l’alerte est sans doute l’une des voies utiles pour inciter les entreprises au respect scrupuleux des réglementations en vigueur. Celles-ci devront au surplus tout faire pour protéger le lanceur d’alerte, y compris dans le temps, ce qui supposera qu’elles mettent en place une procédure de suivi efficace et imposera une implication active des ressources humaines.


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INDEX

1 Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016

2 Loi n° 2022-401 du 21 mars 2022

3 Directive 2019/973 du 23 octobre 2019