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Le taux d’intérêt rémunérant l’émission d’obligations convertibles en actions (OCA) au profit de l’actionnaire unique de la filiale financée, lorsqu’il intègre la valeur de cette option de conversion est de nature à constituer un transfert indirect de bénéfices. Telle est la position du Conseil d’Etat dans une récente décision (Conseil d’Etat, 16 novembre 2022, n° 462383, SAS EDFI et SA EDF).

Dans cette affaire, la rémunération des OCA était fixée à 1,085 % et la Cour Administrative d’Appel de Versailles n’avait pas vu dans ce niveau de rémunération un transfert indirect de bénéfices à l’étranger dans la mesure où ce taux avait été retenu en intégrant la valeur (future) de l’option de conversion des obligations en actions, même si les taux de marché résultant de différentes études de comparables indiquaient que le taux aurait pu être à 4,41 % par comparaison avec des obligations sans option.

Le Conseil d’Etat ne partage pas cette analyse. Il juge que « lorsque l'option est attribuée à la personne possédant, à la date de l'émission, l'intégralité de ce capital, la valeur de cette option est nécessairement nulle ». En effet, « la situation née de l'octroi à l'actionnaire unique de la société financée d'une option de conversion des obligations qu'il a souscrites en actions de cette dernière est, par nature, insusceptible d'être comparée à une situation de pleine concurrence ». L’option de conversion au bénéfice d’un actionnaire unique est neutre pour celui-ci d’un point de vue patrimonial avant et après l’opération de financement intragroupe (disposant avant comme après la conversion de la totalité du capital de la société dont la valeur se trouve augmentée du montant de la dette dont elle est libérée à due concurrence de la créance dont il disposait).

La précision apportée est d’importance et vient compléter la jurisprudence antérieure du Conseil d’Etat selon laquelle est nécessairement prise en compte, dans une étude comparative de taux d’intérêt, la valeur de l’option de conversion associée aux OCA émises (Conseil d’Etat, 20 septembre 2022, n° 455651, HCL Maître Pierre). Dans le cas particulier où le souscripteur des OCA est l’actionnaire unique, la valeur de l’option de conversion est toutefois nulle.

La décision peut surprendre par l’application en quelque sorte partielle qu’elle fait du principe de pleine concurrence : en effet, pour son analyse de l’instrument financier que l’on qualifie habituellement « hybride », le Conseil d’Etat applique un raisonnement à deux paliers ; pour la composante « Equity (i.e. l’option de conversion en action) » de l’instrument, le Conseil d’Etat écarte tout recours à des transactions comparables entre parties indépendantes : ici la nature d’actionnaire unique du souscripteur est bien au cœur de l’analyse et détermine à elle seule la valeur – nulle - pour celui-ci de l’option de conversion. En revanche, son analyse sur la composante « Obligation » ne dévie pas du cadre d’analyse usuel et peut s’apprécier par référence aux rendements d’émissions obligataires d’entreprises tierces. La jurisprudence future viendra préciser la portée de cette décision, potentiellement source de controverses à l’avenir, selon la qualité de l’actionnaire concerné.


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