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Rapide décryptage des principales modifications

Après quinze jours d’intenses négociations et de compromis, le 22 juin 2022, en première lecture, les députés du Parlement européen ont finalement adopté la révision du marché du carbone (i.e. système d’échange de quotas d’émission - ETS), qui avait été rejetée contre toute attente le 8 juin dernier.

Le Parlement européen a également adopté le mécanisme de taxe carbone aux frontières (MACF) et la création du fond social pour le climat. Ces textes, intrinsèquement liés à la révision du marché du carbone,  n’avaient pas été soumis au vote du Parlement le 8 juin.

Pour mémoire, le MACF, érigé comme priorité de la Présidence française, est un mécanisme sans précédent, visant à aligner le prix de la « part » carbone des produits importés et celui des produits de l’Union qui entrent dans le champ d’application du MACF. Ainsi, à compter de son entrée en vigueur en 2027, les importateurs de produits relevant des secteurs visés par le MACF devront acheter des certificats à hauteur des émissions de carbone des produits importés.

Quels étaient les points de blocage et quels compromis ont été trouvés ?

Le MACF, s’appliquant aux importations, entrera en vigueur au fur la mesure de la suppression des quotas gratuits issus de l’ETS.

Le compromis ayant conduit au vote du texte a été trouvé au niveau du calendrier d’application des dispositions :  

■    la suppression des quotas gratuits commencera en 2027 (au lieu de 2026 dans la proposition de la Commission) avec une réduction de 7 % la première année, puis 9 % la deuxième, etc. pour atteindre la suppression totale début 2032 (au lieu de 2034 dans la proposition de la Commission) ;

■    le MACF entrera donc pleinement en vigueur en 2032 (au lieu de 2034), mais l’obligation d’acquisition par les importateurs des certificats MACF est reportée à début 2027 (au lieu de début 2026).

Les principales modifications apportées par rapport au texte initial présenté par la Commission européenne, le 14 juillet 2021, sont les suivantes :

■    Champ d’application : Le MACF est étendu à l’hydrogène, aux plastiques et aux produits chimiques organiques. Le MACF couvrira l’ensemble des secteurs exposés à des fuites carbones d’ici au 1er janvier 2030 et pourra couvrir les « produits en aval » (i.e. produits fabriqués en utilisant les marchandises des secteurs couverts par le MACF), dans un délai de 3 ans suivant l’entrée en vigueur du MACF.

■    Types d’émissions : Les émissions indirectes, à savoir les émissions issues de l’électricité consommée dans le processus de production, seront prises en compte dans le calcul de la part carbone des biens visés par le MACF. Contrairement à ce qu’avait proposé la Commission, les émissions résultant du chauffage et du refroidissement consommés ne sont plus considérées comme des « émissions indirectes », mais comme des « émissions directes ».

■    Quotas gratuits à l’exportation : la possibilité de percevoir des quotas gratuits pour les exportations vers des pays ne disposant pas d’un mécanisme de tarification du carbone équivalent au SEQE de l’Union Européenne avec l’option pour la Commission, d’exclure certains secteurs de cet avantage, est introduite.

■    Large renforcement du mécanisme anti-contournement du MACF : Ainsi, sont notamment considérées comme un contournement du MACF, la modification des échanges en vue de la production des produits en aval non couverts par le MACF, le bénéfice de subventions pour des marchandises couvertes par le MACF et tendant à absorber tout ou partie du CO2 payé dans le pays tiers, ainsi que l’expédition des produits couverts par le MACF par des pays tiers exemptés d’obligations en matière de tarification carbone ou soumis à des obligations plus favorables.

■    Filet de sécurité : un filet de sécurité est créé ; il prévoit la possibilité de réviser le mécanisme du MACF ou d’introduire une proposition législative si le MACF ne répond pas à l’objectif.

■    Renforcement des échanges : la  consultation des représentants des entreprises, les syndicats et la société civile par la Commission européenne est consacrée à chaque étape de la mise en œuvre du MACF et un « club carbone » international est créé.

■    Inclusion des modalités de recours contre des décisions prises par l’autorité du MACF.

Quelles sont les prochaines étapes ?

Le 15 mars 2022, le Conseil a adopté un accord « d’orientation générale » sur le texte du MACF. Néanmoins,  à la suite du vote du 22 juin,  il reste nécessaire d’obtenir l’aval du Conseil sur les nouvelles règles encadrant le marché du carbone et sur les six autres textes du Paquet climat (non couverts dans l’accord « d’orientation générale » susvisé).

Si l’ensemble de ces textes est adopté lors du Conseil des ministres le 28 juin prochain (deux jours avant la fin de la Présidence française), les trilogues (i.e. discussions interinstitutionnelles) pourront normalement avoir lieu à la rentrée, sous la Présidence de la République Tchèque.

Dans le cadre de ces trilogues, le Conseil pourra revenir sur les dispositions votées par le Parlement. Affaire à suivre donc …

En tout état de cause, et même si un report est probable, les opérateurs concernés doivent dès à présent anticiper les futures obligations déclaratives de la période transitoire qui débute selon le texte voté, le 1er janvier 2023.


AUTEURS

Olivier Sorgniard
KPMG Avocats

Juliette Guérin-Touet
KPMG Avocats