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Le Royaume-Uni s’était officiellement retiré de l’Union européenne (UE) le 31 janvier 2020. Toutefois, une période de transition s’est étendue du 1er février 2020 au 31 décembre 2020 pendant laquelle les travailleurs mobiles entre le Royaume-Uni et l'UE ont continué à être couverts par les règles de l'UE en matière de sécurité sociale (règlements (CE) 883/2004 et 987/2008). L’Accord de retrait prévoit d’ailleurs, que ces travailleurs restent couverts par ces règlements aussi longtemps qu’ils continuent de se trouver sans interruption dans cette situation1.

L’Accord de commerce et de coopération entre l’UE et le Royaume-Uni du 24 décembre 2020 qui est prévu pour une durée de 15 ans à compter de sa date de conclusion, s’applique à toutes les mobilités débutant au 1er janvier 2021 et intègre un Protocole de sécurité sociale qui reprend l’esprit des règles de l’UE mais avec des différences notables.

L'accord de commerce et de coopération ne couvre pas les prestations familiales et limite l'exportation des prestations de chômage et d'invalidité, une fois que la personne n’est plus couverte par les règlements européens, il ne lui est plus possible de revenir en arrière.

La France fait cavalier seul sur le détachement

Les salariés détachés couverts par l’Accord de retrait possèdent un certificat de détachement A1 qui reste valable jusqu’à la date de validité indiquée sur le certificat, soit en principe 24 mois.

La France a récemment fait savoir qu’elle ne souhaitait pas renouveler le maintien au régime de sécurité sociale du pays d’envoi pour ces salariés couverts par les règlements communautaires au-delà du 30 juin 2021.

Cependant, elle indique que les salariés concernés pourraient bénéficier de la règle du détachement prévu par l'Accord de commerce et de coopération, sans interruption entre les deux périodes de détachement. Pour mémoire, l’accord permet un détachement de 24 mois et ne nécessite pas l'accord préalable de l’Etat d’accueil, mais encore faut-il que la démarche soit acceptée par le Royaume-Uni.

Cette position ne s’appliquerait qu’aux détachements et non à ceux qui sont couverts par l’accord de retrait du fait de leur pluriactivité (activité effectuée dans deux ou plusieurs Etats).

La France fait cavalier seul sur le détachement

Des questions en attente de réponse

Cette approche pose la question de savoir comment l’administration française traitera le cas d’un détachement qui était prévu pour durer plus de 24 moins et qui s’interrompt bien avant.

Dans un contexte purement UE, les approches sont diverses, certaines administrations raisonnant en fonction de la situation initialement prévue, tandis que d'autres sont enclines à mettre l'accent sur les circonstances modifiées.

Peu importe, finalement, car les règlements permettent une prolongation au-delà de 24 mois si les pays concernés sont d’accord. Mais cette souplesse a disparu dans les relations UE - Royaume-Uni.

Autre différence, alors que qu’il existe une durée d'affiliation minimale au régime de l'État d'envoi d’un mois avant un détachement, cette exigence est absente des textes liant l’UE et le Royaume-Uni.

Des difficultés d'interprétation surgiront de l'application simultanée de plusieurs sources du droit, notamment lorsque la situation transnationale concernera, outre le Royaume-Uni, un État membre de l'Union européenne et la Suisse ou la Norvège. En effet, plusieurs Commissions mixtes d'interprétation peuvent alors être compétentes et leurs décisions contradictoires.

Les travailleurs pluri-actifs

Les travailleurs pluri-actifs

Dans le cadre de l’Accord de commerce, un employé travaillant dans un pays de l’UE et le Royaume-Uni est couvert par la législation de l'Etat de résidence s’il y effectue une partie substantielle de son travail (25 % du temps de travail ou de la rémunération). Si le salarié n’effectue pas une partie substantielle de son travail dans son Etat de résidence, il est alors couvert par la législation de l'Etat où est situé l'employeur.

Cette disposition, que l’on retrouve dans les règlements de l’UE, fait l'objet d'un examen minutieux par certains Etats membres depuis un certain temps. Par ailleurs, la jurisprudence de la Cour de justice européenne s’est penchée sur l'interprétation de ces dispositions.

Par exemple, dans l'affaire C-610/18, la CJUE demande que la situation objective dans laquelle se trouve le travailleur concerné soit analysée, indépendamment des documents contractuels, afin de déterminer qui est l’employeur réel du travailleur.

Bien entendu, on ne pourra pas s'attendre à ce que le Royaume-Uni applique les décisions de la CJUE (ni aucun autre développement qui relèverait de la politique intra-UE).

Conclusion

Les exemples ci-dessus illustrent l'importance d’appliquer les règles de manière uniforme dans les relations avec le Royaume-Uni mais il est probable que cela ne sera pas le cas.

Une analyse au cas par cas des situations de mobilité entre la France et l’UE est plus que jamais nécessaire.


Index

Référence

1 On notera ici que la notion de « situation ininterrompue » n’est pas précisée par les textes et donnera certainement lieu à des interprétations nationales contradictoires.


AUTEURS

Ann Atchadé
Associée

Tatiana Prost
Superviseur